Les Larrieu adaptent un Djian récent (2010), "Incidences", en en faisant un intrigant "L'Amour est un crime parfait". Un drôle de "thriller", assurément. L'action est en hiver, entre lac et montagne, dans le canton de Vaud. Marc (Mathieu Amalric) qui frise la cinquantaine, anime un atelier d'écriture (très "pictural" d'inspiration - "d-écrire et peindre", des paysages) au sein du département de littérature, à l'université. Il vit depuis toujours dans un chalet isolé, en compagnie de sa soeur Marianne (Karin Viard), sa contemporaine - bibliothécaire dans la même université. Ecrivain raté, Marc est un enseignant pour autant charismatique, très apprécié de ses jeunes étudiantes. Trop même. L'une d'elles, Barbara, disparaît. Or le début du film nous la montre en conquête d'un soir de Marc... Un policier enquête à la fac.
Ce n'est pas un "à la recherche de Barbara" qui va faire pourtant l'essentiel de l'histoire, mais plutôt un "Voyage dans la tête de Marc". Amalric réussit à merveille dans un rôle complexe. Une étudiante qui s'offre sans succès, Annie (Sara Forestier - épatante - en particulier dans une scène de piscine), un responsable de département amoureux transi (de Marianne), mesquin et chichiteux, Richard (Denis Podalydès - parfait, évidemment) et la marâtre annoncée de Barbara, Anna (Maïwenn) complètent la liste des personnages principaux. Pour l'intrigue, citons, en vrac : des balades solitaires dans la neige pour Marc, un buffet scandinave, un printemps qui n'arrive pas, un loup (qui s'enhardit jusqu'en ville), une épistaxis impressionnante, des migraines et des absences (Marc), une Marianne possessive (et incestueuse), un motard inquisiteur, les Alpes majestueuses, un week-end en amoureux..... Tout cela finit par justifier le titre du film !
C'est du Larrieu frères pur jus, décalé, non conformiste, et si personnel - c'est dire qu'on adhère (c'est mon cas) ou pas. Le montage du récit, le style souvent déconcertant, en laisseront beaucoup en route. Pourtant cet opus-là est moins détonant que le foutraque "Voyage aux Pyrénées" (2008), si mal noté (1,4/5 de moyenne !) par les Allocinéens, massivement largués.
C'est "intello" aussi - on entend du Schubert, on cite Dante, on invoque Barthes et Buñuel, Marc parle comme il doit écrire, précisément et élégamment (voir son étonnante première rencontre avec l'enquêteur) - pour ma part, le soin apporté aux dialogues est toujours un grand "plus"... Mais c'est surtout intelligent, sans jamais être pompeux, et donc délectable.