Trois ans de tournage, le refus de Cannes en 2016 (voir les explications de Thierry Frémaux dans Sélection officielle), sa projection à Venise et, après une longue attente, sa sortie sur les écrans français. 10 ans après son dernier film de fiction, Promets-moi, Émir Kusturica nous offre enfin une nouvelle folie baroque qui nous replonge dès ses premières images dans un univers qui n'appartient qu'à lui. Non, le volcanique balkanique n'a pas changé d'un iota, tant pis pour ceux qui le trouvent excessif, brouillon et même idéologiquement suspect. Adepte de l'anarchie romantique, Kusturica n'accorde qu'une importance relative à son scénario et encore moins aux dialogues. Encore une fois, dans On the Milka Road, c'est l'aspect visuel qui prime, et de quelle manière ! Un festival pyrotechnique avec des moments de grâce et d'autres, euh moins probants, disons. Mais même quand il frise le grotesque, le cinéma de Kusturica reste touchant, pour ceux qui l'aiment en tous cas, parce que sincère et d'une énergie folle. Et puis, pour la première fois peut-être, Emir raconte une histoire d'amour, en temps de guerre, certes, mais ce n'est pas rien. Bien entendu, dans ce récit taillé à la serbe, le bestiaire est imposant : âne fidèle, poule narcissique, ours gourmand, serpent protecteur, faucon danseur sans compter oies, moutons et autres animaux. C'est finalement du côté de l'interprétation que l'on pourra trouver à redire et notamment avec le couple Bellucci/Kusturica dont l'alchimie n'est vraiment pas évidente. A l'inverse, la prestation échevelée de l'actrice serbe Sloboda Micalovic fait mouche. Elle est totalement raccord avec l'ambiance survoltée et euphorisante d'un film qui ne s'assagit que dans sa dernière partie, du coup moins emballante. Sauf dans ses ultimes images, d'une grande beauté symbolique.