Les Apparences. C'est le titre du roman qui est à l'origine du film, roman dont l'auteur, Gillian Flynn, a tiré un scénario destiné à David Fincher. Les apparences constituent par ailleurs évidemment le thème classique de la plupart des polars ou thrillers : apparences trompeuses, faux-semblants, faux coupables, etc. En considérant cette thématique et en lisant le résumé du film (sans connaître le livre), on n'espère donc rien de particulièrement original, seulement un bon film de genre bien ficelé par un bon réalisateur. C'est cela et un peu plus que cela quand même. Côté film de genre, on retrouve effectivement les ingrédients habituels (disparition mystérieuse, manipulation, vengeance...) habilement cuisinés par Fincher via différents modes de narration (notamment un intéressant jeu de flash-back illustrant un journal intime). Il y a aussi un renversement radical de point de vue et quelques rebondissements "hénaurmes". C'est retors à souhait, probablement trop, mais toujours captivant. La mise en scène est très maîtrisée. Les dialogues sont bien cash et parfois cinglants. L'interprétation s'avère convaincante : Ben Affleck dans un rôle de gars ordinaire et peu expressif, qui lui convient ; Rosamund Pike en jolie blonde à l'esprit aiguisé. Bref, ce thriller alambiqué fonctionne bien. Mais son véritable intérêt tient dans la démultiplication des jeux de rôles et dans leur résonance sociale. Le rapport entre réalité et fiction apparaît dès le début avec la présentation du personnage incarné par Rosamund Pike, célébrité idéalisée, connue pour avoir inspiré à ses parents une héroïne de romans pour la jeunesse. La présentation du couple central, de leur rencontre, est elle aussi idéalisée avant qu'il ne soit question de chômage, de dettes, de frustrations, de tromperies... Fincher gratte donc avec une certaine jubilation le vernis hypocrite de l'american way of life. Mais le rôle qu'il développe le mieux dans ce thriller-comédie des apparences, c'est celui des médias, omniprésents du début à la fin. Des médias qui, au-delà de la couverture de l'affaire policière, jugent et interprètent des faits à l'aune d'une morale bien-pensante, travestissent la réalité à leur guise, actionnent la mécanique des foules en cultivant leur appétit de sensationnalisme, leur voyeurisme et autres bas instincts. Et plus c'est grand-guignolesque, plus ça passe (voilà qui peut justifier quelques outrances du film). De manipulateurs, ces médias peuvent aussi être manipulés et apparaissent donc au final comme un véritable rouage de l'intrigue. Ce film ajoute ainsi au binôme classique du polar/thriller - un meurtrier potentiel, une victime potentielle - un troisième protagoniste essentiel, la pression médiatique, qui contribue à nouer et dénouer la trame. Fincher lui accorde une importance que l'on retrouve dans peu d'autres films. Voilà qui fait l'originalité et la modernité de Gone Girl. La critique des médias et de la société, même si elle est très appuyée, a également le mérite d'ouvrir la voie à une ironie et un cynisme dramatiques peut-être plus flippants qu'un traditionnel climax explosif...