Pour la réalisation de son dixième long-métrage, le cinéaste David Fincher revient à son registre de prédilection, le thriller, en adaptant le best-seller de Gillian Flynn ("Les Apparences") et en lui confiant le scénario de ce film sombre et énigmatique.
Aux commandes de ce projet, le perfectionniste créateur des célèbres thrillers Seven, The Game et Panic Room nous livre une adaptation réussie et acclamée par la critique, qui retranscrit fidèlement la noirceur et le machiavélisme d'une histoire originale, sans oublier une touche d'humour noir qui sert parfaitement l'intrigue. Encore une fois, David Fincher prouve son incontestable talent pour nous entraîner dans des histoires sombres, profondes et complexes qui nous tiennent en haleine jusqu'au bout.
Cependant, il est important de préciser que ce résultat très satisfaisant n'est pas sans rapport avec la prestation envoûtante de Rosamund Pike, qui renoue avec le succès après Meurs un autre jour (2002), grâce au rôle d'une auteure brillante et séductrice, mais terriblement dangereuse. Jouant à la perfection Amy Dunne, cette psychopathe en apparence innocente, l'actrice n'a pas hésité à modifier sa morphologie pour rendre la transformation de son personnage plus crédible. Car après tout, l'apparence est l'un des thèmes majeurs du film.
Au-delà de l'intrigue principale, cette réalisation est également une violente critique contre le jeu des apparences alimenté par les médias, un aspect satirique que l'on retrouve également dans une autre création de David Fincher, Fight Club, même si sa cible est différente. Ici, le réalisateur n'hésite pas à attaquer sans retenue ce milieu médiatisé et peu scrupuleux, prêt à tout pour faire de l'audimat et participant à sa manière au drame qui se joue en ignorant la présomption d'innocence et en étant prêt à condamner à mort un innocent. Mais l'apparence ne s'arrête pas là. En effet, bien que son apogée s'inscrive dans les dernières minutes du film, elle englobe également toute l'histoire d'Amy, sa personnalité et son passé. La première intuition est de porter toute la responsabilité de ce trouble social sur l'écrivaine, mais c'est encore se laisser avoir par les apparences. Finalement, est-ce uniquement de sa faute ou également celle de parents s'étant servis de l'enfance de leur fille pour en faire un personnage, avec toutes les conséquences psychologiques que cela peut avoir ? Après tout, les véritables coupables sont probablement ces parents qui ont crée une icône et n'ont pas hésité à continuer de saper la vie de leur fille, puisant dans ses ressources personnelles pour combler leurs dettes. D'ailleurs, il aurait été intéressant de traiter davantage cet aspect du scénario qui aurait pu permettre au spectateur de ressentir plus d'empathie envers "l'antihéroïne" détestée et offrir un portrait plus contrasté de sa personnalité.
Consacrée par de multiples nominations et récompenses, Rosamund Pike est accompagnée de Ben Affleck dans la peau de Nick, l'époux manipulé. Bien que sa prestation ait bien moins convaincu les critiques, il faut noter que l'acteur a abandonné un projet pour rejoindre celui de Fincher. Pour le reste de l'affiche, on retrouve principalement Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother) dans le rôle d'une autre victime d'Amy Dunne, Carrie Coon (Fargo) dans celui de la soeur de Nick et Kim Dickens (connue par les fans de Lost) qui mène l'enquête. On a même droit à la présence de la mannequin Emily Ratajkowski, qui occupe une place mineure mais dont il s'agit de la première apparition notable au cinéma.
Résultat : Gone Girl devient la deuxième meilleure réussite au box-office américain pour David Fincher, après Seven dix-huit ans plus tôt, un succès qui se confirme en France avec un joli nombre de deux millions d'entrées.
Pour conclure, il me semble opportun d'aborder brièvement les polémiques grossières et injustes de misogynie ayant entaché l'équipe de réalisation et provenant d'individus incapables de faire la distinction entre fiction et réalité. Comme l'a déclaré la scénariste, ces derniers mettent d'ailleurs en évidence une différence de traitement dans l'interprétation des personnages malveillants. Là où les rôles masculins de ce genre sont considérés comme ceux d'antihéros, les réalisations qui montrent des femmes dans la même situation sont jugés comme misogynes et dégradantes pour la condition féminine. Mais si on suit cette logique et qu'on l'adapte aux personnages masculins, que doit-on donc penser d'Hannibal Lecter qui réduit l'homme à une bête sanguinaire et cannibale ? Du révérend Harry Powell qui n'hésite pas à s'attaquer à d'innocents enfants dans La Nuit du chasseur ? De toute évidence, un point commun : la susceptibilité de ces critiques ignore complètement le fait que la quasi-totalité des rôles de méchants au cinéma sont ceux d'hommes.