Non il ne neige pas, c'est du sucre qui vole, derrière une boulangerie, il passe un doigt sur ses lèvres avant de l'embrasser. Cette scène par laquelle commence Gone Girl nous fait ressentir cette pâte d'un véritable artiste. Quand on a fait un des plus beaux films de ces dernières années sur le créateur de Facebook on peut tout se permettre. Et il se permet tout David Fincher ! Il se permet même de changer, finit le punk porno rigolard de Fight Club ou les ambiances ultra glauque de Seven ou Alien 3, le bougre s'est transformer en brillant styliste ultra perfectionniste comme on le voit notamment dans Millénium (2012) ou les deux premiers épisodes de la série House of Cards ou il dirige les acteurs avec une main de maître. Mais le don de Fincher passe surtout par l'ambiance, le cinéaste arrive toujours à créer une tension parfois inouï (la scène de viol dans Millénium, l’interrogatoire dans Seven) ou il réussi à immerger un spectateur qui ne demande qu'à connaitre la fin, il s'est d'ailleurs trouvé un immense talent pour le twist final et Gone Girl ne fait pas exception à la règle.
Loin de là d'ailleurs car Fincher y emploie beaucoup de thème qui lui sont chère, homme tourmenté ou les médias vu comme une menace. Ce qui lui a surement plut dans le best seller de Gilliam Flynn (qu'il adapte avec ce film), ça doit être la tension sexuelle et cette satire du mariage presque sarcastique. Il y dresse un portrait le la vie intime d'un couple au bout du rouleau, elle est belle, charmante, il est beau gosse et charismatique, mais les dettes s'accumulent et leurs vies tournent autour de l'ennui. Mais quand elle disparaît sans laisser de trace, probablement assassinée, il se retrouve numéro 1 sur la liste des suspects. Mais est elle morte vraiment ? Que lui est il arrivé ? Pourquoi est ce arrivé ? Ou est elle ? Cette situation dépasse le héro Nick Dunne, son regard vide, son sourire sans vie... c'est l'Américain lambda habitant une grande demeure à un étage dans le Missouri et se faisant un bourdon en guise de petit déjeuné en la bonne compagnie de sa sœur qui comme lui pleure encore sa mère morte d'un cancer. Et le mystère qui va d'ailleurs se propager comme une cellule cancéreuse.
Fincher c'est le genre de cinéaste qui rit lorsqu'il se brûle, maître du cauchemar, dompteur du glauque, roi du malaise, il aime par dessus tout manipuler son spectateur, lui faire croire l'inverse de ce qu'il veut. Gone Girl est son film le plus hitckockien de par son humour noir, le fait que l'on en sait souvent plus que les personnages et son suspens qui jamais ne faiblit. Les regards étranges de Rosamund Pike, poitrine de Emily Ratajkowski exhibée comme le trésor du coin, meurtre exagérément sanglant... rajoutez quelque twist grandguignolesques (dans le bon sens du terme) et l'on se croirait devant un De Palma, une séquence clé faisant d'ailleurs beaucoup penser aux scènes cultes de Carrie au bal du Diable (1976). C'est à dire un fantasme de cinéma de divertissement ludique et cérébral conçu pour le samedi soir, ni plus ni moins, David Fincher est tout sauf prétentieux mais tout comme Gillian Flynn avant lui il nous offre une superbe réflexion sur l'amour, en tout cas sur le mariage dans tout ses états, une satire pleine de sens à la foi brillante et diabolique.
Rosamund Pike est tellement craquante en jolie blonde qu'on a presque de la peine à lui en vouloir, elle a l'air douce, elle est d'une cruauté sans nom, elle semble innocente, c'est un coup du manipulateur derrière la caméra. Mais chut. Le premier plan annonce d'emblée la couleur, Ben Affleck regardant le crane de son épouse en se demandant ce que ça ferai si il l'éclatait. Les deux acteurs jouent avec une ambiguïté formidable, Ben Affleck trouve enfin un rôle à sa mesure, charisme éclatant il interprète un personnage un poil con mais jamais naif dont l'envie d'éclaircir cette sombre réalité demeure passionnante. Est ce bien malin de garder la petite culotte de sa maîtresse au bureau ? Ou de poser avec des groupies amoureuse de son physique pour des seflies scandaleux ? Certainement pas, pauvre Ben/Nick, cette histoire lui aura beaucoup coûté surtout face à ce final laissant bouche bée.
Mais le couple n'est pas le seul thème à voler en éclat, Fincher dresse également une satire des médias et de l'opinion publique, la manière dont ces derniers retournent leur veste et jugent de façon méprisable. Fincher n'a pas perdu sa façon si géniale de critiquer la société avec une noirceur qui fait plaisir à voir démontrant que derrière toute chose ce cache une réalité et une vérité inavouable, le tout appuyé par la photographie de Jeff Cronenweth qui fait ressortir tout l'étrangeté du récit et la magistrale BO encore une fois orchestrée par Trent Reznor et Aticus Ross qui nous plonge dans cette ambiance oppressante.
Bilan:
Cela faisait longtemps qu'un film à l'intrigue ludique ne nous avait pas offert un tel spectacle. Il nous fallait bien un David Fincher pour nous plonger dans cette ambiance et nous offrir un film aussi brillant et diabolique. Le seul reproche que l'on puisse y voir, c'est que pour un tel cinéaste, c'est devenu trop facile.