Ce n'est pas la première fois qu'Ira Sachs, lui-même ouvertement homosexuel, met en scène les déboires d'un couple de même sexe. Ce fut déjà le cas dans son tout premier long-métrage intitulé Le Delta (1996), puis dans le très acclamé Keep the Lights On, paru sur les écrans en 2012.
Love is Strange est une histoire d’amour atypique, mais également "multigénérationnelle", explique le réalisateur Ira Sachs, en poursuivant : "Elle se penche sur les façons dont chacun d’entre nous expérimente l’amour - et ce qu’il en attend - à différentes étapes de sa vie. Le cœur de l’histoire est la relation de Ben et George, deux hommes qui ont construit une vie à deux depuis plus de 30 ans, qui se marient dans la première scène et perdent leur maison dans la deuxième."
Même si dans Love is Strange, Alfred Molina et John Lithgow campent un vieux couple homosexuel, il faut savoir que dans la vie réelle, les deux acteurs sont purement hétérosexuels. Le premier est en couple avec l'actrice Jill Gascoine et l'autre est père de trois enfants.
L’histoire de Ben et George, bien que fiction, met en avant une vérité bien banale. En décembre 2013, le site du film Love is Strange rapportait la situation de Michael G. qui a été renvoyé de l’école catholique de Pennsylvanie où il enseignait, le jour où il a fait la demande d’un certificat pour se marier avec son compagnon depuis 10 ans. Quelques jours plus tard, dans une autre école catholique américaine, des dizaines d’élèves s’étaient réunis pour protester contre le renvoi de leur professeur. Le motif invoqué : l’Eglise Catholique n’approuve pas le mariage entre Mark et son partenaire.
Love is Strange touche à de nombreux sujets d’actualité faisant débat. Ira Sachs explique : "Ce qui arrive à Ben et George soulèvent beaucoup de débats présents dans la société américaine : l’égalité devant le mariage, le conservatisme religieux et la discrimination, les inégalités de revenus, l’état de notre système social. Mais cela va aussi au-delà : si les thématiques du fi lm sont politiques, le résultat est profondément humain."
Le titre du film fait référence à la chanson Love is Strange, chantée en 1956 par Mickey & Sylvia et dont le réalisateur Ira Sachs est fan. Cet air de rythme and blues du duo américain s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. "Love is strange" a été de nombreuses fois reprise par la suite, notamment par Sonny & Cher, Paul McCartney et les Wings, dans le cultissime Dirty Dancing ou plus récemment par Pitbull pour le film Men in Black III.
En compétition à la Berlinale 2014, Love is Strange a été présenté au public, en présence des acteurs et du réalisateur Ira Sachs. A la fin de la projection, Sachs se souvient que l’acteur John Lithgow s’est mis à pleurer. Il a alors pris la main du réalisateur et l’a serrée comme pour le remercier du travail qu’il avait fait.
En 2014, Love is Strange a été diffusé à l'occasion du Festival de Sundance puis dans la section Panorama du Festival International du Film de Berlin. La même année, il est présenté en compétition au Festival du Cinéma Américain de Deauville.
Le script du film est un portrait poignant du mariage, de ses joies et ses peines, mais aussi de ses difficultés occasionnelles. John Lithgow précise : "Ceux d’entre nous qui vivent en famille s’habituent à un certain confort quotidien, à certaines routines, lorsqu’un élément extérieur vient perturber tout cet équilibre."
Alfred Molina rajoute : "Il y a quelque chose de très rassurant au quotidien dans le couple que forment Ben et George. C’est une relation très « fonctionnelle ». George est un homme passionné par son travail, et très engagé dans sa relation avec Ben. La séparation les affecte très profondément. Pas seulement l’angoisse liée à la séparation, mais la peur d’abandonner en quelque sorte Ben."
Malgré sa présentation réussie au Festival de Berlin, ou l'absence de sexe explicite et de violence, Love is Strange a été classé R (déconseillé aux moins de 17 ans non-accompagnés) aux Etats-Unis, pour cause de langage vulgaire. Selon le communiqué officiel en tout cas, puisqu'un réalisateur accuse la MPAA d'avoir délivré ce certificat au film parce qu'il met en scène un couple gay.
Ira Sachs collabore de nouveau avec Mauricio Zacharias, le co-scénariste de Keep the Lights On (2012).
Dans le film, New-York est un personnage à part entière ; aussi, l’équipe de Love is Strange a tenu à y inscrire un maximum de personnages afin de faire un tableau de la ville façon Woody Allen (à travers Manhattan (1979) et Hannah et ses sœurs (1986)).