« Sabine de Barra » est une sorte d'Artemisia Gentileschi paysagiste. De pure fiction. Veuve, elle a su se faire une réputation dans un domaine, entre art et "artisanat", où les femmes n'ont pas droit de cité, dans la France du Roi-Soleil. Chargé par Louis XIV d'une "salle de bal en plein air" pour Versailles, André Le Nôtre cherche (selon le scénario) un collaborateur - ce sera SdB, contre toute attente, la dame étant loin de l'inspiration ordinaire du jardinier du roi, celle des "jardins à la française", tout en rigueur et équilibre, car prônant plutôt une fantaisie à l'anglaise - "le petit chaos" (selon le titre d'origine du film). Le "Bosquet des Rocailles" existe bien à Versailles. Inauguré en 1685 (après avoir été aménagé entre 1680 et 1683) il comportait en son centre une piste de danse ovale (détruite dès le début du 18e siècle). Le Nôtre, qui a été anobli 5 ans plus tôt, a 70 ans à la fin des travaux.... Un "détail" qui n'embarrasse pourtant pas Alan Rickman (qui réalise ici pour la 2e fois - et s'est réservé le rôle du roi), et ses 2 co-scénaristes, qui inventent une romance entre un Le Nôtre incarné par le Belge Matthias Schoenaerts (qui a la moitié de cet âge) et une SdB incarnée par Kate Winslet (fin de trentaine). Imaginons cependant de passer sur l'ensemble des aberrations historiques, dont celle-ci n'est pas la plus grave ; imaginons encore de faire preuve d'une extrême indulgence sur la "reconstitution" de l'époque et des lieux en cause (par économie, tout a été tourné en Angleterre - ce qui donne des bâtiments, certes 17e, mais ne ressemblant pas du tout au Louvre, à Fontainebleau, ni même à la maison du paysagiste, dans l'enceinte du château des Tuileries, avec des détails architecturaux 100 % "perfide Albion", et un mobilier "british" - y compris anachronique vers la fin, et des paysages typiquement anglais.... pas du tout crédibles), et sur les costumes (volontairement - dixit la costumière) fantaisistes (mais le plus souvent d'une hideur, très anglaise - surtout au niveau des coloris).... Imaginons en fait un parti pris de théâtralité. Pourquoi pas ? Mais pour quels "enjeux" ? Avec quels dialogues, quelle mise en scène ? C'est là que cela pèche, sans remède. On s'ennuie ferme à contempler les travaux dans la boue, les pseudos "intrigues de cour" (le sommet du ridicule : la "présentation" de Sabine à Fontainebleau, avec le passage en revue de la Montespan, entourée d'une troupe de femmes - scène s'apparentant furieusement à une "monstration" de maison close au plan de l'esthétique : ces "dames" au salon...), on s'étonne des comportements et dires prêtés au roi, ou à Monsieur et à la Palatine, du personnage de Lauzun... et quand arrive (enfin) la "romance" (et la révélation du pourquoi de la mélancolie de l'héroïne.. hautement tragique) on a peine à trouver matière suffisante à se réveiller. Et c'est déjà d'ailleurs la fin.