Comme son titre l’indique (quoique c’est à se demander pourquoi le titre original "Run all night" a été changé pour la version française en "Night run" si c’était pour garder une consonance anglo-saxonne) ce nouveau long métrage de Jaume Collet-Serra offre une longue nuit de chasse à l’homme. Non pas parce que le film dure aussi longtemps que la période nocturne (auquel cas ce serait beaucoup trop long) mais parce que l’intrigue se déroule principalement sur une nuit entière. Pour les spectateurs qui ne s’intéressent qu’aujourd’hui ou que très occasionnellement au 7ème art, "Night run" se révèlera haletant et du même coup distrayant. Pour les autres, eh bien ce film sentira tout de même un peu le réchauffé. Parce que quoi qu’on en dise, l’histoire rappelle un peu celle de "John Wick". Oh je ne dis pas que c’est du copié-collé, parce qu’il y a pas mal de choses qui diffèrent. En effet, si on y regarde de plus près, on retrouve le fils d’un parrain mafieux. Un fiston qui, pour s’imposer aux yeux de son père, ne calcule que des conneries et de ce fait, comble de tout, réveille un ancien tueur à gages. Voilà pour le pitch de départ. Après, il fallait donner une direction et pourquoi pas piocher un peu du côté de "Taken" en mettant quelqu’un de la famille à sauver ? Une fois le truc trouvé, on cuisine le tout à une sauce légèrement différente tout en gardant les scènes d’action, des fusillades aux courses-poursuite, des scènes par ailleurs très réussies. Le scénario est donc connu et on devine très rapidement comment tout cela va finir. Outre des relations parentales difficiles pour des raisons il est vrai peu avouables, la vraie innovation vient de la relation quasi-fraternelle qui lie ce parrain fatigué à son homme de main devenu plus que l’ombre de lui-même. C'est d'ailleurs ce qui va constituer le principal atout du film. Ed Hariis est convaincant dans ce rôle de (ex ?) patron mafieux qui estime devoir sa vie uniquement à son sens inné de ne pas commettre la moindre erreur. Jusque-là… Par son jeu, il parvient à apporter toutes les nuances de l’évolution d’un homme, dans un premier temps heureux et grand gardien de sa condition, et furieusement meurtri dans son cœur dans un second. Liam Neeson est comme il faut dans un rôle pour lequel le spectateur est désormais habitué, avec toutefois un peu plus de consistance du fait que son personnage doit composer avec de nombreux regrets qui le rongent au point de les noyer sans y arriver dans l’alcool. Face à ces deux stars du cinéma U.S., Joel Kinnaman ne se laisse pas impressionner. Au contraire, son personnage lui permet de leur tenir tête et s’en sort avec brio. Il est même doté d’une réplique qui marque le concept des futurs événements : "les choses peuvent facilement t’échapper". A ce moment-là, il ne croyait pas si bien dire, en simultané avec la notion du "être au mauvais endroit au mauvais moment". Il reste la bonne prestation de Vincent D’Onofrio, que j’aurais aimé encore un peu plus chien fou (comme il savait très bien le faire dans la série "New York section criminelle") et davantage exploité pour apporter un peu plus de piment. Question piment, c’est Common qui l’apporte. Il est froid, méthodique, implacable, rapide et déterminé. Une stature qui ferait taire d’inquiétude n’importe qui à son approche. Le spectateur sait donc qu’il va représenter un os de taille pour le tandem en cavale. La seule chose qui me chagrine est qu’il parvient trop facilement à repérer sa cible dans la cohue et dans le noir (même en ayant une lunette à vision de nuit). Vu la foule, c’est pour ainsi dire impossible ! Notez aussi la courte apparition de Nick Nolte, non crédité. La réalisation est dynamique, aérée pas quelques moments d’accalmie pour intégrer de façon judicieuse une touche de dramaturgie et susciter du même coup de l’empathie envers les deux personnages interprétés par le tandem Liam Neeson/Joel Kinnaman en développant juste ce qu’il faut de leur psychologie. Jaume Collet-Serra se permet même quelques petits effets de style avec des prises de vue étourdissante sur la ville, et une caméra qui joue au passe-muraille pour transiter d’une scène à une autre, sans doute pour compenser l’aspect classique du scénario. Ma foi, ça marche plutôt bien en dépit de quelques clichés comme cet orage venu planer au-dessus de la ville, comme pour dire que le temps allait se gâter pour nos deux personnages menacés. Le résultat est que le spectateur est captivé malgré lui, avalant ainsi sans même s’en rendre compte les 114 minutes et un bon paquet de popcorns. Il faut dire que la musique de Junkie XL est particulièrement adaptée à chacune des situations, notamment lorsqu’il s’agit d’appuyer les moments de tension. Alors certes, il n’y a pas de grand suspense, le genre n’est pas révolutionné. "Night run" n’est donc pas le film du siècle, mais il remplit parfaitement sa fonction de divertissement, car il a le mérite d’occuper efficacement 2h de notre temps sans ennui.