Comme son prédécesseur, Non-Stop, le nouveau film de Jaume Collet-Serra exploite le moins bon de Liam Neeson avec une intrigue poussive et quelques incohérences de haute volée. À l’image d’un article opportun du Gorafi que l’on a lu, il y a quelques jours, on se demande bien si Neeson ne finira pas par jouer le rôle d’un acteur incapable de refuser un scénario. Night Run devient sans grande difficulté le meilleur des trois films marquant leur collaboration.
Jimmy Conlon (Liam Neeson) est un ancien tueur à gage qui noie ses remords et sa culpabilité dans l’alcool. Il n’est plus soutenu que par celui qui fut son parrain dans la mafia, Shawn Maguire (Ed Harris). Malheureusement pour lui, ce dernier va se retourner contre lui lorsqu’il va s’interposer entre son fils, Mike (Joel Kinnaman), et Danny (Boyd Holbrook), celui de Shawn, avant de l’abattre. Le parrain va alors déclarer une chasse à l’homme pour venger son fils.
L’unité de lieu et la promiscuité très mal exploitée de Non-Stop en faisait un film trop lent et on s’ennuyait sec. Sur ce point, Night Run utilise l’immensité de New-York à bon escient pour pallier une impression de stagnation quand même persistante dans l’œuvre de Collet-Serra. Le réalisateur utilise des fondus entre les différents lieux pour casser l’unité de temps initiale et prolonger artificiellement la nuit. Ce faisant, il introduit un rythme plus soutenu que dans sa précédente réalisation. La présence de Ed Harris, acteur habitué au rôle de gangsters, relève le casting et l’on note un caméo de Nick Nolte, comédien phare du cinéma d’action des années 80. Jouant un frère de Jimmy, ce dernier avertit Mike qu’il ne devrait pas lui faire confiance. Faut-il y voir un message caché? Nouveauté dans la carrière tardive d’homme d’action de Neeson, celui-ci n’est plus immortel. D’une certaine façon, ce cinéma d’action déguisé en thriller tue une deuxième fois ces illustres prédécesseurs. La première fois, c’était avec Taken (dernier forfait en date, Taken 3 est sorti, il y a deux mois) en faisant une pale imitation, la deuxième fois, en rompant avec les indestructibles qui ont fait les beaux jours des blockbusters tout-puissant.
Attention, des héros sensibles, torturés, faillibles, on adore ça mais encore faut-il que le background soit cohérent. Comme souvent, le côté humain du personnage n’est jamais qu’effleuré, rapidement expédié par des banalités sur ses tourments supposés. Le sommet de l’illustration de ces derniers étant que le personnage principal en fait des cauchemars… Avouez que c’est très original. Il y a aussi l’inévitable scène où le héros lance un « je m’excuse » laminaire qui scelle quasiment la réconciliation entre père et fils après des années d’absences et au milieu des tirs nourris. Joel Kinnaman est transparent tandis que Génesis Rodriguez (la voix d’Honey Lemon dans Les nouveaux héros) à temps d’apparition totalement inégale, en mère inquiète, apportera plus d’émotions au script qui ne fait pourtant aucunes places aux femmes. Oublions la convention usée jusqu’à l’os du film pour en venir à une triste conclusion. Monsieur Jaume Collet-Serra, des artistes comme Woody Allen nous ont prouvé qu’il est possible d’être prolifique sans faire n’importe quoi à la va-vite. On avait bien aimé votre Esther mais prenez le temps de réfléchir à ce que vous faites. Voyons, l’intrigue de Night Run se passe pendant les fêtes de Noël, à New-York, et il n’y a pas la moindre petite trace de neige durant tout le film ! Pourquoi spécifier cette période de l’année sans nous en faire profiter ? On passera sur les autres incohérences tellement cette dernière est énorme !
Fan de Non-Stop et de Taken ? Il se pourrait bien que Night Run soit trop légèrement au-dessus de la moyenne pour vous plaire. En revanche, si vous aimez vraiment les thrillers, sombre et puissant comme ils devraient l’être et que malgré tout vous gardez quelques sympathies pour Neeson, tentez plutôt de vous procurer le DVD de Ballades entre les tombes.
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