Lorsqu'un long-métrage ambitionne à ce point le chef d'œuvre, ses faux-pas paraissent d'autant plus décevant. Et "Quai des Orfèvres" ne fait que confirmer cela. Toutefois, Clouzot parvient à livrer un film d'un grande qualité, tout en provoquant une frustration certaine.
En effet, dans ce récit, celui d'un meurtre menant à une succession d'accusations, est marqué par la maitrise de son auteur. Film sur la culpabilité, il surprend tout d'abord grâce à sa galerie de personnages, quatuor infernal pourtant dépeint avec une grande tendresse, notamment l'inspecteur Antoine (immense Louis Jouvet) apparaissant comme une figure policière classique dans un premier temps, avant de dévoiler une douceur et une portée mélancolique bien plus forte.
Clouzot met en scène cette enquête avec dynamisme et tension, à l'image de la fuite du music-hall, jouée par deux fois, mais dont le renouvellement - peur d'être attrapé d'abord, puis que la fuite soit découverte ensuite - fait de cette scène miroir un double pivot dramatique. Ensuite, le cinéaste parvient à donner vie à des microcosmes évoluant simultanément : celui de la troupe évidemment, mais aussi du fameux quai des Orfèvres, deux lieux d'effervescence et de communauté que Clouzot parvient à capter afin de les inscrire au sein de l'œuvre, pourtant intimiste, en faisant le théâtre de tragédies du quotidien.
Les rebondissements s'enchainent, les protagonistes se dévoilent davantage et les thématiques se complexifient, le tout jusqu'à un point d'orgue tragique
: Maurice, pourtant innocent, se suicide en prison pour sauver sa femme
. Cependant, ce que l'on pensait comme étant la conclusion, en accord avec la douce noirceur du film, est rattrapée par un dernier retournement de situation qui, si il n'est pas non plus grotesque, vient se poser en contradiction avec une évolution dramatique menée avec brio. Le long-métrage déçoit donc par son final, faisant de "Quai des Orfèvres" une œuvre immense, tant d'un point de vue formel que thématique, mais inaboutie.