Enfants valises a été tourné dans une classe d'accueil pour adolescents primo-arrivants originaires du Maghreb et d'Afrique subsaharienne. Le film s'attache à montrer leur double sentiment de déracinement, pris à cheval entre deux périodes de la vie et deux cultures.
Le cinéaste, Xavier de Lauzanne, explique pourquoi il a choisi ce titre pour son film : "Ce titre m’est venu en discutant avec l’assistante sociale de l’école. Initialement utilisé pour désigner les enfants des DOM-TOM envoyés en métropole, il dit bien que ces jeunes subissent les décisions prises par les adultes. Cette condition d’ « enfants valises » les façonne : nombre d’entre eux sont en effet évanescents, insaisissables, ils ne sont pas habitués à s’inscrire dans une régularité et souffrent d’une remise en cause permanente."
Le réalisateur confie s'être laissé porter par le sujet, sans partir avec des idées prédéfinies qui auraient conditionné le tournage, mais bien en se saisissant des éléments qui s'imposaient à lui pour construire son film : "Par exemple, (...) pour ne pas devoir recourir à une voix-off, je devais détecter rapidement ce qui pouvait être un élément de narration. Je ne filmais pas une séance de cours, je filmais certains éléments de cette séance qui pouvaient faire avancer mon histoire. Cela représente un important travail d’observation, d’anticipation, de réactivité, de tri, d’imagination et de synthèse."
Xavier de Lauzanne n'a pas choisi une approche journalistique pour traiter son sujet. Au contraire, il a pris son temps, et a lentement apprivoisé ses personnages en instaurant un rapport de confiance. "Ce qui compte ici, ce sont toutes les petites choses qui viennent émailler le discours, les non-dits qui donnent une idée de la vie intérieure du personnage : une hésitation, un regard, un silence…C’est une approche qui nécessite du temps et de l’apprivoisement."
Le film comporte une scène de bagarre, durant laquelle le réalisateur pose sa caméra pour intervenir, sans l'éteindre toutefois. "La situation s’est envenimée, une fille a été giflée, je ne pouvais décemment pas rester passif. Je suis allé les calmer, mais dans la précipitation, j’ai posé la caméra en omettant de l’éteindre. J’ai laissé cette scène car elle place le film dans cette réalité brute que nous avons tous vécue au moins une fois dans notre scolarité", explique-t-il.
Xavier de Lauzanne, qui a commencé à tourner des documentaires au début des années 2000, a beaucoup voyagé. Les personnes rencontrées pendant ces voyages lui ont inspiré ses films documentaires très engagés, souvent soucieux des problèmes liés à l'enfance et à l'éducation dans les endroits du monde les plus défavorisés. C'est le cas d'Enfants valises.
Chaque année, environ 40 000 enfants primo-arrivants sont admis dans le système scolaire français. Les deux tiers d'entre eux bénéficient la première année d'un suivi adapté à temps complet au sein de classes d'accueil spécialisées, qui se focalisent sur une mise à niveau en français. Au terme de cette année, on vise à intégrer ces élèves à un cursus ordinaire, qui varie selon leur âge : tandis que les plus jeunes réussissent pour la plupart à intégrer la voie générale, les plus grands sont souvent orientés vers des formations professionnalisantes.
C'est le musicien autodidacte Frank2Louise qui est à l'origine de la musique d'Enfants valises. "Ce titre Enfants valises m’a parlé d’instabilité, de précarité, de distance, de personnes en transit. Des mots qui (...) m’ont tout naturellement amené à composer une musique aux consonances jazzy et hip hop, afin d’y apporter chaleur et groove. Ce côté chaleureux était important pour accompagner ces enfants au devenir difficile, parfois chaotique, à qui on a envie de donner un coup de pouce !", commente le compositeur.