"Invincible" est la 3ème réalisation d’Angelina Jolie, et semble-t-il la meilleure de sa courte filmographie en tant que réalisatrice à ce jour. C’est donc elle qui s’est jetée dans l’aventure, alors que les droits de l’histoire de Louis Zamperini sont achetés par Universal Studios depuis 1957. Eh oui, "Invincible" est un biopic sur cet homme, qui est à la fois un athlète olympique et un héros de guerre. On s’interroge alors pourquoi de grands spécialistes d’histoires vraies, comme Steven Spielberg, ou encore Clint Eastwood, ne se sont pas penchés sur le sujet, connaissant leur goût prononcé pour ce genre de sujet. Angelina Jolie avait un avantage, et pas des moindres : elle était voisine de Louis Zamperini à Los Angeles et s’est liée d’amitié avec lui. Et nous voilà projetés directement en 1942, en pleine guerre du Pacifique, sur une image à l’esthétique flamboyante, un lever de soleil coloré venu baigner les bombardiers américains. La séquence est poignante, et la bande son exprime alors toute l’étendue de son emphase. Pendant et après le combat aérien, et à la veille d’une mission de sauvetage qui le conduira lui et son équipage du statut de sauveteur à celui de naufragé, nous suivons des flashbacks de façon à bien comprendre la psychologie du personnage d’une part, et à bien expliquer ses origines d’autres part, des origines que la réalisatrice se sera attachée à décrire plus du côté social que géographique. S’ensuit le calvaire que va subir notre héros incarné par le prometteur Jack O’Connell. Plus qu’un calvaire, on peut dire que c’est un chemin de croix...
une croix si proche lorsqu'il est obligé de porter une poutre de bois à bout de bras alors qu'il est au bord de l'épuisement(scène qui figure d'ailleurs sur l'affiche).
Accompagné durant une grande partie du film par Russell Allen Philips, interprété par Domhnall Gleeson (lui aussi prometteur)
, celui-là même qui m’a bluffé avec ses appels désespérés et déchirants lors du passage d’un avion
. Le calvaire n’est pas gai, et alors qu’on pense qu’enfin notre héros entrevoit la sortie du tunnel, l’espoir brûle comme un feu de paille pour plonger encore un peu plus dans la noirceur du tunnel. Aussi, je donnerai une mention spéciale à Miyavi, lui qui aura incarné le caporal Watanabe absolument superbe en matière de sadisme, de narcissisme, et en tout autre sentiment de ce genre, aux frontières de la déraison parce qu’il ne s’estime pas à sa place, tout du moins en matière de grade. Alors sans doute est-ce pour cette raison qu’il montre autant de zèle pour mener le camp de prisonniers dont il a la charge
et dans lequel vient échouer notre héros
. C’est donc sans être ni véritablement surpris, ni déçu, que nous suivons les péripéties d’un homme pas vraiment invincible, mais qui s’accroche éperdument à une phrase que son frère a prononcé un jour à son encontre : "ceux qui tiennent le coup vont jusqu’au bout". Aussi il s’applique à vivre l’instant présent, en attendant des jours meilleurs. L’histoire peut parfois manquer de rythme, ce qui arrive souvent quand on veut donner une dimension humaine à une histoire comme ici. Pour autant, on ne tombera jamais dans l’ennui, vivant une sacrée révélation sur le traitement des prisonniers de guerre par les japonais, capables de bien des horreurs eux aussi. Angelina Jolie, avec cette histoire, a su ne pas tomber dans le piège du sentimentalisme à outrance, rendant le film émouvant juste comme il faut, sans pour autant nous tirer les larmes. La bien jolie partition d’Alexandre Desplat accompagne avantageusement le film, agrémentée parfois d'une bien jolie photographie. Le film est bon, très bon même, mais n’est pas dénué de défauts, comme une pilosité pas suffisamment prolifique lors de la longue période de dérive en canot de sauvetage, ce qui décrédibilise un peu l’épopée. Plus tard, lors d’une partie de poker, on verra un prisonnier annoncer un carré de rois alors qu’il déballe un carré de dames… On mettra ça sur le dos d’une mauvaise traduction pour le doublage français. Cela ne suffit pas à nous déstabiliser et les 135 minutes du film passent sans coup férir. Plus qu’un film, "Invincible" est un biopic, un hommage à un homme qui a su pardonner ses tortionnaires, une ode à cette envie de vivre. Je considère que ce film repose un peu trop sur la puissance de son histoire, avec une mise en scène très classique, mais parvient à rendre un hommage sincère et assez percutant.