Lorsqu’on veut porter un jugement honnête et étayé sur un film, il est parfois nécessaire de se faire un peu violence et d’accepter des partis pris de scénario et de réalisation auxquels on ne souscrit pas forcément de façon spontanée. C’est ainsi que, concernant "Le secret de Kanwar", il est très souhaitable d’accepter qu’un film commence de façon très réaliste et glisse progressivement, et de plus en plus, vers l’univers du conte fantastique. Le réalisateur indien Anup Singh, d’origine sikh et né en Tanzanie, a choisi cette voie pour nous parler des notions de frontières et d’identité, géographiques et sexuelles. 1947, partition de l’Inde et création du Pakistan, naissance d’une nouvelle frontière, des centaines de milliers de morts, 10 millions de réfugiés. Umber Singh fait partie de la communauté sikh et il doit quitter son village avec femme et enfants. Sa femme vient de donner naissance à leur 3ème enfant, une 3ème fille, qu’il ne daigne même pas regarder : « des filles, j’en ai assez vu », dit-il à sa femme. Lorsqu’un 4ème enfant est annoncé, il est persuadé que ce sera un garçon. Persuadé au point de nier la réalité et d’élever Kanwar en tant que jeune garçon, puis d’adolescent et homme, marié par lui à une femme, pour finir. Tout en étant profondément ancré dans la communauté sikh au niveau de sa réalisation, le sujet de "Le secret de Kanwar" en fait un film universel. En le traitant avec beaucoup de force et de pudeur, Anup Singh nous fait réfléchir sur les difficultés que rencontrent des êtres qui se posent des questions existentielles sur leur identité, des êtres qui, le plus souvent, sont rejetés alors qu’on devrait tout faire pour les aider.