Cette Gloria chilienne est une lointaine cousine de la Gloria de Cassavetes : une femme entre deux âges, dotée d'un bon tempérament, qui ne baisse pas les bras face à l'adversité. Elle est aussi la cousine des personnages interprétés par Fanny Ardant dans Les Beaux Jours ou Catherine Deneuve dans Elle s'en va. Autant de femmes mûres qui cherchent à réinventer leur vie. Autant de portraits qui fleurissent aujourd'hui dans des films d'horizons différents. Le réalisateur de Gloria, Sebastián Lelio, capte quelque chose de générationnel et d'universel, qui a trait au bilan et aux perspectives d'une vie à l'âge où l'on devient "senior", à la solitude, au désir d'aimer et d'être aimé. Ce quelque chose de générationnel et d'universel émane ici de situations quotidiennes très concrètes : petits problèmes de santé, éloignement des enfants, difficultés à recomposer une vie amoureuse en oubliant ce qui a précédé, mais aussi joie de vivre pleinement sa liberté (en dansant, en flirtant), d'expérimenter de nouvelles sensations (le saut à l'élastique, les joints...) ou simplement de raviver le plaisir sexuel. Sans fausse pudeur, Sebastián Lelio montre des corps plus tout jeunes qui disent le désir d'aimer et de jouir. Il filme tout cela avec justesse et délicatesse, en s'appuyant sur une actrice magnifique, Paulina García. Elle est dans tous les plans de ce film, irradiant l'image de sa vitalité, de sa sensualité, de sa malice, de ses émotions joyeuses ou désespérées.
Aussi focalisé soit-il sur son personnage central, le réalisateur chilien offre également un regard sur son pays via les considérations d'un ami sociologue de Gloria, via une scène de manifestation étudiante, et surtout via le personnage de Rodolfo. Ancien militaire sous la dictature de Pinochet, mari et père qui peine à couper des liens qui lui pourrissent la vie, il est peut-être à l'image d'un pays qui peine à tourner la page d'un passé lourd à porter, un pays dont le salut pourrait être incarné par cette Gloria et son énergie positive, sa capacité à rebondir, à se remettre en piste, malgré les claques de la vie.
Il y a donc beaucoup de belles choses dans ce film. On oubliera quelques évolutions dramatiques parfois prévisibles, un rythme un peu lent et uniforme, pour retenir le côté doux-amer de l'ensemble, sa sensibilité fine. Et le peps de l'actrice.