Avec Mes séances de lutte, Jacques Doillon signe un nouveau film plein de poésie, épris d’une violente délicatesse.
Dans un village français, elle, Sarah Forestier, est revenue définitivement briser ses liens avec ce père tout juste décédé qui ne lui a jamais témoigné la moindre attention. Lui, James Thiérrée, garde et remet en état une vieille maison pour des propriétaires absents.
Dès leur premiers échanges on est plongé en douceur dans la complicité particulière qui subsiste entre les personnages. Un passé est là, à découvrir et ainsi vont-ils devoir se battre pour lui donner sens. Car tout est parti d’une nuit, d’un acte non abouti, vécu comme un véritable traumatisme par ces deux amoureux en puissance. Le film est pour cela une conquête mutuelle de ces deux âmes qui se cherchent et se confrontent. Et James Thiérrée, qu’on connait chorégraphe et danseur, n’a ici bien entendu pas été choisi au hasard. Le ballet des combats en dit parfois autant que les dialogues, les corps se répondent, s’épousant et se rejetant avec violence. De cette lutte nait une tendresse qui les baigne dans ce climat apaisant mais incertain, dans ce huis-clos qu’ils créent à eux deux.
Doillon a su ici saisir avec légèreté et adresse, les absurdités mêmes qu’apporte l’amour, « la passion » dira Sarah Forestier dans le film. Il est rempli de tous ces non-dits, ces regards, ces actes insensés qui forment l’essence de son langage, notamment lors d’une scène où ils tentent de reproduire cette nuit, cet instant inachevé qu’ils s’efforcent à accomplir. Mais les choses de l’amour ne se déclenchent pas, on ne peut les mettre en scène à sa guise et ainsi font-ils face à cette réalité.
La direction d’acteur y est puissante, le jeu des comédiens subtil, nous transportant toujours davantage au coeur de cette intimité qui apparait comme exceptionnelle. La caméra de Doillon, à l’épaule, sert au mieux cette atmosphère. Au rythme des interactions, à l’image de leur relation, elle est bousculée, puis apaisée mais ne se montre jamais lointaine.
Ce film est donc une oeuvre touchante et inédite dans la carrière du réalisateur, où les affrontements prennent des airs de danses suggestives à chacune des rencontres des personnages, en immersion dans l’évolution de leurs rapports. De l’animalité de l’être, Doillon en peint sa parade nuptiale.