De FAHRENHEIT 451, il me restait un souvenir vague, un peu fade, comme celui de ces vieux livres que l'on se force à finir même si l'essence finit par nous échapper. Non seulement j'étais bien mauvaise lectrice, mais également une bien mauvaise spectatrice. Truffaut, l'homme-film, nous livre ce que le commun des mortels appelle un chef d'oeuvre.
Truffaut rend un hommage explicite à la littérature, mais le plus bel hommage qu'il peut lui rendre est bien celui de l'adapter à merveille. Dans un monde où les mots sont criminels, Truffaut prend le parti pris de nous enivrer d'images. FAHREINHEIT est un film visuel ; tout est dit en silence, nos yeux s'habituent à lire les plans savamment élaborés, à trembler à chaque rouge allitération. Le film est tout sauf austère, bien qu'il expose un monde qui le soit : ses couleurs 5ROUGE!), et un humour noir omniprésent (il suffit de considérer les livres en train de se consumer..., portés par un montage type nouvelle-vague tiennent en haleine le spectateur. Il y a d'ailleurs quelque chose de très hitchockien dans le seul film anglais de Truffaut, et cela ne tient pas l'emploi de cette langue qui ne lui était pas familière, mais plutôt de l'évolution de chaque personnage, de la présence du double, et de cette tension latente dans "le meilleur des mondes". L'excellente prestation des acteurs, une retenue profonde d'Oskar Werner et Julie Christie, s'intensifie avec les crescendo de Bernard Hermann.
Truffaut maîtrise parfaitement le genre "film d'anticipation", on retrouve tout ce qui fait la force des bouquins du genre (1984 avec le téléscreen...), mais la touche personnelle de son auteur subsiste pour en faire quelque chose d'absolument novateur, et de terriblement intemporel. Le film n'a pas vieilli ; néanmoins, le monde, oui, et la société dans laquelle nous vivons n'est peut-être pas si éloignée de celle décrite...
Après la vision d'un hymne à la résistance intellectuelle aussi puissant, une certitude vous suit : s'il falla