Alors en général on aime François Truffaut, d'accord c'est le réalisateur qui a porté la Nouvelle Vague et s'est fait connaître par de prestigieux réalisateurs américains, mais là quand même, son épuisant tournage de Fahrenheit l'a conduit a l'échec, lors de sa sortie et malgré un nombre de détracteur assez conséquent de l’œuvre à l'heure actuelle, pour moi Fahrenheit est un film raté, qui, si il n'est pas mauvais, reste moyen. Et surtout terriblement frustrant, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que le chef d’œuvre de Ray Bradbury (parmi d'autres chef d’œuvres soit-dit en passant) offrait des possibilités d'adaptations cinématographiques magistrales, imaginez un instant un Kubrick à la tête d'un tel projet... Le roman m'ayant coupé le souffle, ma déception fut d'autant plus forte. Ensuite parce qu'il est entrecoupé de morceaux de bravoures plutôt joliment présentés : les scènes de crémation des livres, la tension crescendo qui découle de la relation entre Montag et le capitaine Beatly. L'interprète du héros, Oskar Werner, est également un formidable acteur qui porte presque le film sur ses épaules. Mais comme dans beaucoup de films de Truffaut, certains rôles s'égarent parfois dans des performances frisant la médiocrité voire pire. C'est ici le cas de la dame aux livres qui se fait brûler avec eux sans réussir à nous bouleverser autant qu'il se doit, et Julie Christine dans le rôle de Clarisse aurait du se montrer davantage angélique, onirique et fantomatique. Elle passe presque complètement à côté de son personnage en essayant de créer un ton d'amourette belle mais trop classique. Heureusement elle joue bien mieux Linda, la femme de Montag, dans un contre rôle magnifique qui sauve de beaucoup toute les fadeurs de ce long métrage. A commencer par les décors aux tons monochromes, trop épurés, qui sans de photographie à la hauteur ne pèsent pas bien lourds pour élaborer une atmosphère oppressante d'uchronie. On bascule ainsi davantage sur le plan du kitsch que de l’anxiogène ambiance d'un Soleil Vert. Sur le plan formel Truffaut patine sans jamais trouver la bonne voie, montrant de brillantes idées (la neige lors de la dernière scène) sans jamais réussir à les intégrer à son cadre. Celle que l'on retient est d'humaniser les livres en tant que personnages en les suivant avec la caméra lors de leurs chutes. C'est évidemment trop peu, comparé aux pistes procurées par Bradbury. C'est dans la force de la prestation d'Oskar Wermer que passe toute la charge émotionnelle, que l'on souffre et que l'on est bouleversé. Les égards du rythme et de l'insuccès formel ne l'aident pas. Le réalisateur saure ne pas céder à la structure habituelle pour ce genre de productions et tout expédier d'un coup, voilà le mérite de Truffaut dans l'histoire, et d'avoir réussit quelques séquences. Mais je maintient qu'en tant que film de science fiction, la mise en scène est un plantage total relevant davantage d'un téléfilm que d'une œuvre cinématographique, et qu'en tant que film romanesque, les stéréotypes rendus splendides par Bradbury restent des clichés énervants dans son n'est pas non plus un navet, attention, mais bon sang quel gâchis.