Avec Le sens de l'humour, Maryline Canto se lance ici dans sa première mise en scène, plus de 8 ans après avoir réalisé un premier court métrage, Fais de beaux rêves, dont le sens de l'humour est le prolongement évident et assumé comme tel.
Dans Le Sens de l'humour, Maryline Canto joue Elise, une femme qui vit seule avec son fils, et le souvenir d'un homme trop vite disparu (et cette vie juste après sa disparition qu'on voyait visiblement dans "fais de beaux rêves", que je n'avais malheureusement pas eu l'occasion de voir). Toujours obsédé par son époux, malgré les années qui se sont écoulées depuis son décès, elle vit une relation houleuse avec Paul qu’elle a pourtant rencontré avant le drame
(ce qu'on n'apprendra d'ailleurs que vers la fin du film avec un beau flash back).
Bref, vous l'aurez compris, "Le sens de l'humour", c'est à la fois pas grand chose (un homme et une femme qui essaient de s'apprivoiser par petites touches, un petit garçon qui tend à vivre dans l'ombre de son père mort, et en filigrane des scènes de devoir, de visites de musées, de ballades dans des brocantes), et en même temps, c'est également énorme, tant le film sonne terriblement juste et surtout offre un magnifique portrait de femme à son actrice-réalisatrice. On a récemment vu, dans le cinéma français, pas mal de femmes quadragénaires un peu à la dérive ( de Lulu femme nue à celles de la vie domestique), mais rarement, pour ne pas dire pratiquement jamais, elles n'ont eu cette dimension et cette richesse psychologique.
Tour à tour cruelle (n'hésitant pas à assener des phrases sentencieuses et douloureuses à l'homme qui l'aime), charmeuse, sensuelle, colérique, maternelle, ambivalente, Elise constitue un véritable un rôle en or que Maryline Canto s'est écrite pour elle.
On se dit- et je lui ai d'ailleurs dit dans l'itw que j'ai faite avec elle et que je publie très bientôt- que cette actrice si sensible et si nuancée a pu et a su s'offrir un rôle qu'aucun scénariste n'avait pu lui proposer (elle est hélas abonnée aux seconds, voire troisième rôles). En effet, cette Elise lui permet de composer une belle palette des émotions, avec un personnage singulier et diablement attachant, très certainement nourri par des souvenirs personnels que l'apprentie cinéaste a parfaitement réussi à retranscrire et dissoudre dans une fort jolie fiction.
On pense d'autant plus à une telle impression d'offrande que, dans le rôle de Paul, son compagnon d'infortune est incarné par Antoine Chappey qui n'est autre que son compagnon dans la vie, avec lequel elle a déjà formé un couple à l'écran dans "le premier film" de René Feret (tiens, soit en dit en passant, une réponse à une des questions de mon concours).
Et Chappey, un autre acteur que j'aime beaucoup, mais que le cinéma français avait tendance à complètement sousestimer, trouve ici dans ce rôle d'adulescent qui pourrait bien à 50 ans sonnés avoir une vie plus rangée un personnage qui lui sied à merveille. Et pour compléter ce beau casting, je n'oublierais pas de citer le jeune Samson Dajczman, vraiment épatant, tant il est rare de trouver dans le cinéma français un jeune acteur qui soit aussi naturel et sincère dans son jeu.
Bref, le sens de l'humour est une oeuvre subtile, touchante et authentique, qui fait la part belle aux personnages et aux acteurs. On se dit que pour un premier long métrage où l'on passe du rire aux larmes d'une scène à l'autre- un peu comme dans la vie-, Maryline Canto, qui tenait visiblement beaucoup à faire de son film un ‘drame gai ’’ selon les termes de Jean Renoir, a parfaitement réussi son pari.