Aïe aïe aïe… « Ralph 2.0 » ou le film du malaise. Le hasard a en plus voulu que je vois cette nouvelle production Disney seulement quelques jours après « Lego Movie 2 » ; un film qui sur bien des points joue sur le même registre mais pour un résultat diamétralement opposé. « Ralph 2 » comme « Lego 2 » sont des suites de films d’animation qui ont su agréablement surprendre leur public. Tous les deux avaient pour principe de brasser des univers larges à travers des références culturelles multiples. Et surtout l’un comme l’autre entendaient profiter de leur catalogue de référence pour toucher aussi bien les jeunes générations que les moins jeunes. Les enjeux pour ces deux suites étaient au fond les mêmes : être capable de réinvestir l’univers du premier volet sans le recopier, mais aussi savoir innover et développer l’univers de l’opus précédent sans rompre avec ce qui en faisait l’ADN. Or, sur ce point, autant « Lego 2 » a su me convaincre dans sa démarche, gérant pour moi l’exercice avec beaucoup de pertinence, autant j’ai vécu ce « Ralph 2.0 » comme un moment terriblement embarrassant. Pourtant, sur le papier, les gars de chez Disney donnent l’impression d’avoir tout compris. Ils reprennent les personnages là où les avait laissés : Vaneloppe est toujours une reine du kart adorée par les joueurs et Ralph toujours son compagnon fidèle. Malgré tout un élément perturbateur assez rapide va orienter cette situation initiale vers un univers et une logique nouveaux. Et de la même manière que « Ralph 1 » s’amusait à nous faire voir « de l’intérieur » et de manière fantasmée le monde d’une salle d’arcade, là c’est un autre espace familier qui nous est proposé : Internet. La richesse est d’ailleurs au rendez-vous : moteurs de recherche, sites de vidéos, spams, publicités ciblées, bloqueurs, commentaires, pouces bleus, jeux en ligne, darknet… Il y a eu sur ce film un vrai travail de réflexion et de création, mobilisant comme dans l’épisode précédent des références réelles comme des références fictives… En somme, tout à l’air de bien être mené dit comme ça et pourtant, durant toute la projection, le malaise fut à tous les étages. Et le gros problème c’est que, à la différence de « Lego 2 », cette suite a été incapable de se penser comme un tout global, et ça se sent. Parce qu’au fond, de quoi nous parle ce film ? Il nous parle de Vaneloppe qui veut sortir de sa routine et qui ne demande qu’à grandir et à explorer de nouveaux horizons… Mais c’est aussi l’histoire d’une amitié mise à l’épreuve par le fait que chacun n’exprime pas le même désir… Mais c’est également une critique gentille mais manifeste du fonctionnement d’Internet… Et non seulement il est très difficile de voir vraiment comment le film entend lier ces axes en un tout cohérent, mais en plus il est tout aussi difficile de comprendre où chaque axe entend lui-même aller. Ce qui est dingue c’est que chaque initiative opéré par le film se conclut quasi-systématiquement par un manque de cohérence et de limpidité dans la démarche, ce qui aboutit souvent à d’étranges ambiguïtés qui au mieux sont dissonantes, au pire deviennent carrément malsaines. Prenons l’axe « désir d’ailleurs de Vaneloppe » par exemple. Très vite on nous montre que Vaneloppe est attirée par un jeu de course en openworld ; jeu très violent qui active brusquement l’esprit protecteur de Ralph. On pourrait penser que le but est de montrer qu’une enfant lâchée sur Internet peut très vite tomber sur des environnements malsains et qu’en conséquence, la question du contrôle parental se pose. Sauf que non puisque ce monde est vraiment épanouissant pour Vaneloppe ! Elle croise des gens qui éliminent leurs ennemis au lance-flamme (si si, je vous jure) mais ce sont des gens cools, sympas et protecteurs pour la petite Vaneloppe ! Limite, le bon Ralph passe pour le gros lourd qui s’inquiète pour rien ! Bah non voyons ! Où est le danger à laisser des gamins jouer à tout et à n’importe quoi ? Le pire, c’est que je ne me serai peut-être même pas posé la question si le film ne l’avait pas posé comme un enjeu moral central. Cela n’en rend sa réponse que plus déstabilisante. Même chose concernant le rapport Vaneloppe / Ralph. C’est bien de vouloir aborder la question du rapport d’un adulte vis-à-vis d’une enfant par rapport à son désir d’exploration. Mais quand le film commence à traiter la question en sous-entendant qu’il y a dans le comportement de Ralph quelque-chose qui relève de la possessivité amoureuse, là je trouve qu’on rentre juste dans quelque-chose de creepy. Ralph est un adulte. Vaneloppe une enfant. Ce type de jalousie construite sur des arguments à base de « elle m’a quitté pour un plus jeune et plus cool » (entendre là : « un jeu », mais l’ambivalence prête à confusion), ça c’est juste le genre d’ambigüité que tu n’as pas le droit de laisser planer ! D’ailleurs, cette critique que je fais sur ces deux points, je pourrais aussi la faire sur tout le visage qui nous est donné d’Internet. Là encore, les intentions sont floues. D’un côté on semble s’attaquer à la logique de l’algorithme Youtube et à ce qu’elle implique derrière en guise de putacliquerie, mais de l’autre le personnage incarnant l’algorithme – Madame Yes – est présenté comme un adjuvant plutôt sympathique et serviable qui permettra aux héros d’obtenir ce qu’ils veulent. Même chose concernant les spameurs et le recel d’items immatériels. On nous montre ces activités comme peu reluisantes mais Ralph et Vaneloppe y ont recours sans que l’intrigue ne les pénalise ! Au final ça a l’air même clean ! Et le ton avec lequel tout ça s’opère et d’autant plus malaisant que, d’un côté on t’expose tout ça sans subtilité certainement pour que les enfants comprennent, mais de l’autre c’est clairement trop ambigüe pour que le message puisse être maitrisé par les plus jeunes. Et c’est malheureusement une impression qui imprègne tout l’univers de ce « Ralph 2.0 » en général. Il est parfois assez glauque et anxiogène, à base de jeux de course violents, de darknet peuplé de personnages peu accommodants, de virus représentés à l’écran de manière assez agressive, mais d’un autre côté, sa tonalité « ça reste pour les enfants » rend l’ensemble d’autant plus inconfortable. Lors de la projection, j’avais un père et sa gosse de cinq ans derrière moi et j’étais vraiment mal à l’aise pour le père car je ne suis pas sûr qu’en venant voir « Ralph 2.0 » il s’imaginait exposer sa gosse à ce genre de spectacle. Et le pire, c’est que j’étais moi-même mal à l’aise parce que je ne savais pas comment me positionner par rapport à tout ça. Alors quand en plus, au beau milieu de cette grande flaque de « bad mood », le film s’empierge dans un enchainement de référence qui ressemble plus à un matraquage publicitaire plutôt qu’à des clins d’œil, alors là le malaise devient total. La palme, ça a certainement été lorsque Vaneloppe passe par le site Disney (n’oublie pas d’y aller en rentrant du cinéma petite âme innocente ! hi ! hi !). Toutes les franchises te sont balancées en mode « Tiens mange ! », et le summum du mauvais goût est atteint quand le film décide de nous vomir toutes ses princesses à la tronche. Réduits à l’état de poupées absurdes ne respectant même pas les œuvres originelles (
Par exemple Merida joue la teubée de service qui parle un patois imbitable comme Willy le jardinier dans les Simpsons… Mais pourquoi ?
), ces princesses m’ont fait pensé aux barbies de « Small Soldiers » ce qui est loin d’être reluisant quand on comprend que ce n’était pas l’effet recherché. Non. Définitivement non ! A tous les étages, le malaise est présent. Ce film ne réussit rien de ce qu’il tente. Pourtant on sent l’envie de bien faire les choses, de se risquer à certaines audaces visuelles, à se faire créatif, mais le résultat obtenu est un gigantesque maelstrom autant incompréhensible que douteux. N’ayons pas peur des mots : ce film est un bide. Un bide assez triste d’ailleurs. Un film bancal et limite flippant. Pour un studio comme Disney qui fait à ce point attention à ce qu’il dit et promeut en ce moment, ça parait juste incroyable… Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)