Moins barré que ce que sa bande-annonce pouvait laisser prévoir, "Shérif Jackson" (transcription française toute pourrie du titre "Sweetwater") est un western d'excellente facture bourré de références toutes aussi nobles les unes que les autres. Et si les frères Miller, scénaristes et réalisateurs, ne donnent jamais l'impression d'être écrasés sous le poids de toutes ces références, ils ont quand même l'air -sans que cela nuise pour autant à la qualité globale du film, au contraire- d'avoir un peu le cul entre deux chaises : d'une part le western classique, plutôt dans sa forme crépusculaire chère aux Peckinpah ou autres Eastwood, et d'autre part le western spaghetti (et on pense bien sûr à son avatar le plus récent, le "Django unchained" de Tarantino, dont "Shérif Jackson" partage le thème principal, la vengeance) pour le côté décalé de la mise en scène et pour la facétie ou la grandiloquence de certains des personnages. Les personnages, c'est le point fort de "Shérif Jackson" qui peut par ailleurs apparaître parfois un peu décousu dans son montage ou dans sa narration. Outre le fait que les salauds du film, avides et libidineux, sont dépeint sous les traits d'un prêtre, d'un banquier et d'un commerçant, ce qui est déjà assez réjouissant en soi, les trois principaux personnages sont particulièrement soignés par l'écriture et par l'interprétation : le méchant fou de Dieu, donc, mais aussi le policier excentrique d'apparence mais très déterminé dans ses enquêtes et l'ex-fille de joie flingueuse. Si Jason Isaacs dans le rôle de l'illuminé mystique et Ed Harris dans le rôle-titre cabotinent juste ce qu'il faut, January Jones (quel nom génial !) est juste fantastique en Némésis du far-west. Et ces trois personnages hauts en couleurs auraient encore pu gagner en dimension mythique s'ils avaient été un peu mieux traités par la musique. Un thème spécial consacré à chacun des personnages -un peu comme Ennio Morricone l'avait fait pour Jill, Cheyenne et Harmonica dans "Il Etait une fois dans l'Ouest"- aurait pu élever le shérif Jackson, le prophète Josiah et la belle Sarah au rang d'icônes. La musique, c'est là où le bât blesse. Hormis quelques chansons folk/country pas trop mal qui émaillent le film, le score de Martin Davich, jamais vraiment épique, jamais vraiment intimiste, n'arrive pas à toucher et ne rend justice ni à la griserie des grands espaces évoquée par les images ni à la puissance insidieuse des tourments intérieurs des personnages. Dommage. Avec un monteur plus posé et un compositeur plus inspiré, "Shérif Jackson" aurait gagné en qualité et n'aurait sans doute pas été très loin des sommets du genre (parmi les westerns récents, classiques mis à part). Il n'en reste pas moins un très bon film, un peu à l'ouest mais pas trop.