Un western qui ne se veut pas dans la veine classique du genre, comme le furent "3H10 pour yuma" ou le meilleur "Appaloosa", et ne marche donc pas dans la main street décrite par le sensei Sergio Leone d'une petite ville de cow-boys commencée par le maître originel John Ford avec des westerns porteurs de conquête et d'espoir, et terminée par lui-même avec des westerns crépusculaires et aussi ironiques que passionnés par cette mythologie. Sweetwater (titre original qui aurait mieux fait de rester tel quel) s'avère donc plus un pastiche dans la forme, sauf que ça a du fond. En effet j'ai trouvé ça plus sobre et plus stylé qu'un Tarantino bling bling qui drague nos bas instincts avec l'efficacité d'une prostituée professionnelle qui a tout appris d'Hollywood à ce sujet, d'abord dans la marge puis devenu la feuille entière. Ici, pas d'outrance mais des caricatures réussies de stéréotypes. Pas de rythmes frénétiques au montage mais des plans à l'image bien jolie qui défilent selon une fréquence agréable et sensée. Pas de grosses têtes d'affiche qui cabotinent une fausse prise de risque mais des acteurs tout simplement extraordinaires et des seconds rôles crédibles avec de l'épaisseur dans leurs banales turpitudes. Et, non plus, pas d'emphase géniale à la Sam Peckinpah, car ce n'est pas le propos du film, alors cette critique ne porte pas, comment reprocher à X de ne pas être Y? La gaudriole où on se tape de rire sur la cuisse n'est également pas au rendez-vous, car les personnages sont tous paumés dans leurs caboches, pas trop dans la démesure pour nous divertir, non, mais on a des gens en crises existentielles chacun à leur manière, cherchant un sens, une place où et comment vivre. Ils nous ressemblent, je dirais. L'héroïne est certes moins dense que l'inoxydable et incroyable Ed Harris, et son corollaire du côté obscur, le "prophète", mais elle joue justement la carte de la fille effacée par son passé souillée, son présent tragique, et son futur amputé, et ça marche. Avec un physique de bimbo elle pourrait jouer la carte pin up, et non, sort son épingle du jeu, joue sa partition, car détail important, notre Sherif Jackson n'est en fait pas le héros du film, c'est elle le personnage principal, suivi au gré d'un sanglant retournement de page dans son parcours, logique, porteur des valeurs du western, au féminin, mais non féministe, ce n'est pas une Sarah Connor avec un Stetson sur la tête. Pleinement original, oui meilleur qu'un Tarantino ou Un uez, même réunis à deux, ce doux Sweetwater vaut largement le voyage à cheval. Oh yeah!