Il arrive parfois d'être injuste avec une oeuvre qui méritait pourtant une meilleure note. Il est vrai que sous l'impulsion d'une foule en colère qui ne comprenait un traître passage du film qui était projeté sur l'écran juste devant eux, et qui est sortie avant même la fin, j'ai été bête et arbitraire. Je m'en excuse maintenant en souhaitant parler de l'esthétique sous toutes ses formes d' "Upstream Color". C'est d'abord un jeu aux multiples facettes et couleurs, qui s'impriment d'un seul regard sur ses personnages, avec une atmosphère pesante bien sentie et une perspective de l'être en détresse bien présente. Les acteurs ne sont pas forcément bons, rendant l'expérience d'autant plus grossière, mais peu importe, finalement : on plonge dans l'âtre d'une cheminée, avec sa braise et sa chaleur, ressentant colère et appréhension lorsque l'héroïne avale d'une traite une eau gelée, ou aspirant à vivre une vie meilleure et pourtant ne réussissant qu'à moitié, car oui, "la vie est une chienne et nous sommes ses pauvres gosses". C'est aussi un conte sur la liberté individuelle et sur ses préjudices, ces derniers projetés, envoyés à l'écran avec intelligence par Shane Carruth. Et j'ai du mal à parler de cet auteur, car j'ai été inéquitable, léonin, stupide et méchant en son égard. Alors je tente de me rembourser d'une façon que vous conviendrez d'être bien vulgaire. Je n'ai pas compris l'oeuvre en elle-même à sa première projection, la salle de trois-cents places était bien remplie, et la plupart (une bonne centaine déjà, puis le double) ont commencé à siffler, voire même à s'apitoyer sur leurs sorts en réclamant le final direct de la projection. Ce ne fut donc pas forcément dans de bonnes conditions que j'ai pu la voir, alors j'en parle, déjà de cet aspect du festival et de ces gens haineux qui ne laissent même pas une oeuvre s'exprimer jusqu'au bout, de ces soi-disantes critiques qui dévalisent toute l'âme d'un projet rien qu'en ayant vu une seule et unique scène, et de ce boucan et bouquet d'insultes en direction d'une équipe technique qui ne demandait qu'à travaillait sur quelque chose d'un minimum intéressant et nouveau. Alors je clame tout mon intime respect à Carruth et à son travail, avec les excuses comme premier supplément. Je n'ai pas beaucoup aimé son oeuvre, certes, mais j'y ai trouvé des détails, de véritables idées de mise en scène qui m'ont aidé à sortir de toutes ces idées reçues présentes lors de la première projection. Merci à Shane Carruth d'avoir eu le courage d'être allé au bout de son projet et de ne pas s'être laissé rabaissé par les mauvaises langues (j'en suis une, je le dis et je n'en ai pas honte). La route de la rédemption va être longue.