Il est de mauvaise augure pour sa carrière cinématographique de s'occuper de la suite d'un film de Guillermo Del Toro quand on ne s'appelle pas Guillermo Del Toro. Cela, Steven S. Denight l'a expérimenté à son grand regret; pourtant showrunner de l'excellente série Daredevil (on se souvient du choc de la première saison), il débutait ici sa carrière filmique par un projet abandonné par son réalisateur originel (Del Toro), récupérant les pots cassés de ce qui sera l'une des catastrophes blockbusturiennes de 2018.
Première chose que l'on peine à reconnaître, c'est l'écriture de l'homme : l'intrigue se posera dans un cadre plus restreint que le premier, avec des combats et une menace d'une ampleur largement moindre, rappelant vaguement son travail sur la célèbre série Marvel déjà citée. Mais toutes les incohérences, le manque de profondeur des personnages, l'enchaînement des dialogues et les rapports que les protagonistes entretiennent entre eux (tous les poncifs des blockbusters y sont inclus) prouveront que le passage du média de la série à celui du film est une tâche extrêmement complexe que tout le monde ne peut pas entreprendre avec succès.
C'est écrit comme un mauvais film mais filmé comme une série de série z, sans ampleur ni recherche : l'on se croirait devant un pauvre pastiche de Michael Bay, sorte de Transformers au rabais qui lui pomperait son style visuel pour y ajouter une mise en scène d'une platitude affligeante. Les couleurs elles-mêmes sont fades, manquent d'éclat : elles épousent cette mode récente du "tout en filtre terne" aberrante qui privilégie, depuis grosso merdo la sortie de The Dark Knight, des couleurs entre le sombre et l'éteint pour faire ressortir la prétendue noirceur d'une intrigue, la gravité feinte des thèmes qu'elle rebat.
Un détail d'autant plus gênant que le concept de base de Pacific Rim consiste à se reposer sur des jeux de lumières éclatants, et mettre ainsi en valeur la beauté visuelle des combats, des environnements, des décors détruits et des explosions grandioses. Filmer à grande échelle, soigner le sens du cadrage, la propreté et la richesse de la photographie, c'est cela que faire un Pacific Rim.
Dans ce sens, Steven S. Deknight ne pouvait plus rater le coche : filmant sans recherche du relief, il se contente d'animer des combats plus proche d'un Transformers que de l'évolution du genre du Kaiju Eiga, tombant dans le hors sujet jusqu'à ce combat final sans enjeu ni ampleur, où 3 pauvres Kaiju donneront la réplique à quelques Jaegers au design plus proche d'un Bumblebee que d'un Gipsy Danger, jusqu'à la venue regrettable de ce Méga-Zord de l'enfer, pauvre évocation dans ses plans en 2D plan-plan des faibles combats des anciens Power Rangers.
L'on retrouve en effet du Power Rangers dans cet Uprising; du Rangers de 2017 ou des premières séries, qui comme son modèle de base nippon ne possède que le Rangers sans le Power. Une mollesse qui se caractérise également par son montage classique et rythmé n'importe comment, décuplant sans le vouloir toute la platitude d'un réalisateur filmiquement peu expérimenté.
A cela s'ajoutera le jeu catastrophique du casting; entre un John Boyega nous ressortant Star Wars 7 et le fils de Clint Eastwood, el famoso Scott, plus occupé à copier son père qu'à se faire pardonner Suicide Squad, vous serez servi en déceptions terribles. Quelques têtes du premier seront d'ailleurs de sortie, comme pour rassurer les foules sur le lien de suite qu'il entretient avec l'original; retenez seulement que Mako y fera un passage éclair symptomatique des mauvaises suites, et que les deux scientifiques continueront de s'empêtrer dans un surjeu navrant.
Une catastrophe, donc, qui perpétue l'héritage des idées ratées jusqu'à sa conclusion sur fond de neige et de mauvaises blagues, avec ce dégoût caractérisé par une mauvaise bande-son, elle aussi sans ampleur ni travail, si ce n'est un remix douteux du main theme d'origine. Les bruitages n'en imposeront jamais, discrets effets à la place tertiaire dans l'expérience finale, quand ils tenaient une importance primordiale dans l'original, presque plus vitaux que les effets visuels. Et quand on voit que John Boyega produisait là son premier film, il y a de quoi se dire qu'il restera seul au tableau pour un bon moment.