Ce film dramatique présente une réelle originalité dans le paysage cinématographique français puisqu’il met en scène pour la première fois un interne en médecine exerçant à l'hôpital public. L’histoire est en partie issu du vécu du réalisateur également médecin. L’oeuvre pose un regard quasi-documentaire sur le monde médical qui contraste avec un bon nombre de films ou séries - principalement américains - où la vie à l'hôpital est souvent embellie et idéalisée. Dans “Hippocrate”, on voit l'hôpital dans son jus, sous toutes ses facettes. Des sous sols mornes où fourmille un univers inconnu du grand public, à la chambre blafarde, tapissée de dessins obscènes, où dort Benjamin lors de ses gardes en passant par la salle de garde des internes, lieu de fêtes et de repas ritualisés, on découvre un hôpital public français comme on ne nous l’avait jamais montré.
A travers les pérégrinations de Benjamin, personnage immature et inexpérimenté, nous nous immisçons au coeur de la vie des soignants confrontés quotidiennement à des situations difficiles. Des thèmes médicaux forts sont soulevés, comme celui de l’erreur médicale et de la fin de vie, permettant de mieux comprendre comment les soignants vivent leurs métiers, comment ils interagissent entre eux et avec les patients, quelles sont leurs problématiques, leurs interrogations, leurs prise en charge. De même, les jeux de pouvoir et de hiérarchie au sein de l'hôpital, où tous les acteurs du soins ne sont pas logés à la même enseigne, sont subtilement mis en scène. C’est le cas du personnage d’Abdel, un faisant fonction d’interne Algérien et compagnon d’aventure de Benjamin, compétent mais peu considéré sur un plan administratif. Le contraste est flagrant entre Benjamin, un interne français insouciant et suffisant, issu de la “caste” médicale, et Abdel, un médecin étranger travailleur et solitaire, au statut précaire, victime de la pression sociale et de conditions de vie difficiles.
En parallèle, le réalisateur pointe du doigt la dégradation des conditions de travail à l'hôpital, donnant au film une tournure politique. Géré comme une entreprise et affaibli par le manque de moyen et de personnel, l'hôpital maltraite ainsi soignants et patients. Les acteurs de santé à bout de souffle, soumis à un risque d’erreurs médicales et de burnout de plus en plus croissant, ne sont souvent pas entendu par leur hiérarchie. Pire encore ils peuvent écoper de sanctions disciplinaires comme c’est le cas d’Abdel.
Benjamin, prenant de plein fouet l'âpre réalité du métier, incarne alors la révolte face à ces injustices. Sa réaction renforce l’avènement, au dénouement de l’histoire, d’un mouvement social qui fait écho aux récentes revendications du personnel soignant.
A la fois ludique et réaliste, ce film permet ainsi d’aborder de nombreux problèmes de société, d’autant plus actuel dans le contexte de crise sanitaire que nous traversons en ce moment.