La redite du titre, le bégaiement du mot d’amour préfigure les sursauts de «Je t’aime, je t’aime» (France, 1968) d’Alain Resnais. Après une tentative de suicide, Claude Ridder (Claude Rich) se voit proposer par un institut de recherche de vivre une minute dans son passé. L’expérience a pour but scientifique de tester le voyage dans le temps. Le film de Resnais aurait été fort limité et se serait vu tourner en rond si l’expérience n’avait pas échoué et si Ridder ne s’était pas perdu dans les méandres du temps et de son esprit. Comme à l’accoutumé du cinéma de Resnais, le temps est un objet malléable, une dimension factuelle qui se modèle. Il y a, comme je l’ai dit en introduction, des sursauts, des allers et retours, des dédoublements de séquences comme celle, en plein été, où Ridder sort de l’eau après avoir observé le fond de la mer. Dès l’arrivée du personnage dans son passé, c’est ce premier instant qu’il revit. Il y a dans cette séquence, l’idée d’une renaissance, d’une réincarnation de soi dans un autre soi, celui du passé. En ce sens, le film de Resnais s’apparenterait à une œuvre de science-fiction. Le film inspirera notamment plusieurs films américains.
Le deuxième intérêt du film, et qui est tout aussi récurent dans l’œuvre de Resnais, c’est ce poids du malaise sur l’intrigue. Ce qui a poussé Ridder à vouloir se suicider, c’est la mort accidentelle de sa bien-aimée dépressive. Vous l’aurez aisément compris, les souvenirs dans lesquels se replongent le protagoniste et que nous découvrons sont chargés de tourments. La singularité de l’expérience permet au spectateur une plongée désarticulée dans le récit, au risque parfois de rendre monotone la narration. Cette monotonie est d’autant plus accentuée que le film, a contrario des œuvres précédentes de Resnais, ne s’ancre pas dans une volonté politique de témoignage. La force qui alimente l’intrigue n’est plus qu’une seule histoire d’amour.