Ce n'est pas fait dans une veine consensuelle, ça plaira pas à tout le monde, sans pour autant provoquer dégoût ou polémiques diverses. En effet ce film m'a paru profond, développant sa thématique pointue autour d'un choix moral (dans le crâne de notre Richard). Il propose une vision du Mal, convaincante et sources de réflexions intelligentes. Crédible et bien joué, alors que l'eau dort pendant la première partie du film, avant son tournant, la tension monte juste par quelques silences, une poignée de regards, sans gros effets musicaux ni de caméra stressée, avec une précision remarquable ; si bien que lorsque le drame arrive, je me suis enfin senti soulagé, je ne me préoccupais plus de savoir d'où le diable allait sortir! Le contexte social est celui d'une moyenne bourgeoisie, avec des valeurs familiales, et des grands adolescents qui ont un bon point de départ pour réussir dans l'existence, et se cherchent, dans l'amitié et l'amour, pour se trouver des bases, et expérimenter certitudes et sentiments. Soit. So what? Qu'est-ce qui rend le film si pertinent? Au début, Richard, un gars vachement bien, un gendre idéal avec suffisamment de personnalité et d'aspérités psychologiques pour être vraiment le gendre idéal sans second degré, est équilibré, sportif, intelligent, mâture pour son âge, tout roule, passant l'obstacle des ténèbres intimes, le franchissant vers les études et vers la phase jeune adulte, en vainqueur du Mal qui sommeille dans nos pulsions, frustrations, jalousies, hypocrisies, en espérant qu'il pourra continuer à être le bon gars toute sa vie, réceptacle des espoirs légitimes qu'on a mis en lui.
Puis, à la fin du récit, l'obstacle franchi, avec toute sa vie encore à vivre devant lui, il est parti prenante du Mal, il l'incarne. Il est l'image parfaite du Mal profond et banal qui coule sous l'aspect lisse du quotidien; Mal moins célébré que le Bien, évidemment, peut-être à tort, on ne s'en méfie jamais assez, mais comment apprendre à s'en méfier? Il aura voulu avoir sa première vraie petite copine, comme si ce corps féminin allait l'ancrer dans la bonne voie, définitivement, symbole d'un au revoir aux atermoiements de l'adolescence. Elle aussi veut le prendre comme ancre magique, passeport pour l'âge adulte et ses plaisirs. L'Autre n'étant pas la solution de l'existence, ils se découvriront eux-mêmes, s'approfondiront face à ce qu'ils sont vraiment, ce qui aurait du suffire... mais le drame arrive, irrémédiable. Et l'histoire dévoile une faculté à découper le vrai, le Bien, et à le planquer sous le tapis, pour beaucoup de membres de la société, parent, ou copain, ou copine. Et on se dit qu'un autre parent des personnages du film, un autre copain, une autre copine, tous auraient basculé dans l'abjection normale... A l'âge de Richard, victime de d'un moment stupide et de malchance, j'aurais probablement fait le même choix. Ce film nous renvoie notre vilain reflet, il est poli à merveille, et il nous montre aussi la Lumière (par défaut, mais sans vouloir nous illusionner), la solution qu'il aurait fallu scénario habile caresse le Bien pour le faire soupirer d'aise, lui prouver qu'on pense encore à lui, et qu'on peut profiter de sa compagnie sans honte, malgré la dureté intense de l'enjeu réaliste déroulé ici pendant 1H30. Fighting spirit open heart.