The lady vanishes (titre français Une femme disparaît), est l’avant-dernier film britannique réalisé par Alfred Hitchcock avant sa carrière étasunienne. Dans la lignée de plusieurs de ses précédentes œuvres, il y est question d’espionnage, même si ici cette notion est quelque peu secondaire. Qu’importe, en dépit d’une première partie sans réelle action, ce film fut un énorme succès, et l’on comprend aisément pourquoi : le rythme haletant de la seconde partie (les deux tiers du film), la parole véridique de la jeune femme laissant ses interlocuteurs dans l’incrédulité ou les obligeant à de mystérieux mensonges, exercent sur le public une réelle adhésion à l’intrigue.
L’histoire débute dans un hôtel en pleine montagne, pris d’assaut par de nombreux clients étrangers à l’annonce d’une avalanche ayant bloqué la voie ferrée, repoussant le départ du train au lendemain. La première partie du film permet ainsi au spectateur de se familiariser aux différents personnages qui s’y rencontrent ou s’y opposent. La légèreté de ces scénettes est toutefois entachée par l’étranglement d’un guitariste interprétant un chant traditionnel au pied de l’hôtel… Le lendemain matin, au départ du train, la jeune Iris Henderson, anglaise en partance pour son propre mariage, fait plus ample connaissance avec une dame d’un âge respectable. Les deux femmes se lient d’amitié. Cependant, pendant le trajet, après un assoupissement consécutif à un choc cérébral survenu à la gare, Iris ne retrouve plus sa nouvelle amie. Elle part à sa recherche, sondant de nombreux témoins qui tous, pour des raisons différentes, affirment qu’elle a toujours été seule, et que la femme dont elle parle n’a jamais existé. Va s’ensuivre une enquête qui plongera Iris et Gilbert Redman, un homme avec lequel elle s’était fâchée la veille, en plein cœur d’une histoire d’espionnage entre pays ennemis.
La maquette du long travelling du début (partant de la montagne, des rails recouverts de neige, jusqu’à la fenêtre de l’hôtel) est d’un réalisme saisissant pour les moyens de l’époque. Hitchcock comme à l’accoutumée, use de beaucoup d’humour (telle la scène de bagarre dans le wagon de bagages) et de symbolique (parfois licencieuse, telle la bouteille posée sous Iris en déshabillé à l’hôtel, ou indicative, telle la pièce de monnaie au sol qui laisse comprendre à la fois la mort certaine du guitariste et que le mobile n’est pas l’argent). Fait assez rare dans sa filmographie, le réalisateur a pris le temps de mettre en place la personnalité des différents personnages. On s’attarde ainsi longuement sur deux amis anglais, dont l’homosexualité potentielle est très subrepticement suggérée lors de la descente de l’escalier, par un arrêt extrêmement rapide face à deux autres hommes ensemble. Hitchcock se joue toutefois du spectateur : si l’on suit longuement et avec sympathie les deux compères à l’hôtel, ils deviendront par la suite des personnages secondaires !
Une femme disparaît est un film que l’on prend plaisir à visionner plusieurs fois. Même s’il est narratif, et ne crée pas de sentiment d’inconfort chez le spectateur comme le réalisateur prend régulièrement plaisir à le faire, ce qui n’en fait pas à proprement parler un film de veine hitchcockienne, il est un classique qui brille par son intelligence de l’enchaînement d’atmosphères opposées. Librement inspiré d’On ne meurt vraiment qu’une fois d’Ethel Lina White, on passe en effet d’une pure comédie à une intrigue d’espionnage puis à un conflit armé, le tout en restant parfaitement cohérent !