Gunman est l’adaptation de "La position du tireur couché", célèbre roman policier de Jean-Patrick Manchette. Ce livre avait servi de scénario au film "Le Choc", 1982, avec Catherine Deneuve et Alain Delon. Réalisateur de "Banlieue 13", "Taken 1", et "From Paris With Love", Pierre Morel reste ici dans le registre qu’il apprécie le plus, le film d’action. Or son principal interprète n’est pas coutumier de ce type d’œuvre. Il fait plus dans le psychologique, dans la composition. Pourtant, le thème sous-jacent à ce film a dû peser dans sa décision d’y participer car il a créé une ONG humanitaire opérant en Haïti.
C’est avec une mise en scène survitaminée que Pierre Morel nous entraîne dans le déroulement d’une histoire qui devient de plus en plus crédible au fur et à mesure du récit. On y sent sourdre les relents de la "France-Afrique" chère à "Tonton-m’a-dit". Si le film peine à démarrer, l’action enclenchée, il accélère son rythme et finit sur un final, "la hora de verdad", très couleur locale. Pourtant, dans ce dernier film, le réalisateur reste plus modeste quant aux effets spéciaux, le héros n’est pas un super-héros et c’est mieux ainsi. Au travers de cette histoire, le réalisateur déclinera avec une certaine dextérité, aidé en cela par une interprétation de bon aloi des principaux protagonistes, les habituels poncifs du genre. La perfidie d’un ami, Javier Bardem, convoitant la femme aimée, Annie (Jasmine Trinca), la mauvaise foi d’un chef, Cox Mark (Rylance), qui ne pense qu’à protéger ses intérêts, le respect de l’amitié et de la parole donnée, Stanley (Ray Winstone), l’honneur de défendre une innocente, fusse au péril de sa vie. On appréciera leur traitement.
Mais le plus grand intérêt de ce film est de nous impliquer plus personnellement dans ce milieu des organisations humanitaires qui sont quelquefois pénétrées par des personnages peu recommandables profitant de leur statut pour ouvrir la voie à des sociétés multinationales et leur plus grand bénéfice. Quoi de mieux que la nécessité de protéger médecins et infirmières afin d’amener des porte-flingue qui deviendront exécuteurs des basses œuvres dès la nuit tombée. Pourquoi ne pas utiliser les transports de médicaments pour camoufler les envois d’armes ? Et ces pieuvres tentaculaires qui se cachent sous des costumes de commerce "équitable" exploitent la bêtise, l’ignorance, la crédulité des peuples, ou les trois, pour leur plus grand profit. Non contentes de mettre un pays en coupe réglée, elles usent et abusent de coups d’état, d’assassinats politiques, de conflits pour améliorer leur balance commerciale, fournissant les armes qu’il leur faut bien écouler, vidant les mines de leurs richesses.
Ce scénario qui nous montre des associations caritatives prises dans le tourbillon des intérêts financiers de grands groupes privés tient la route et devrait réussir à captiver l'attention des spectateurs.
Sobre et sincère, Pierre Morel signe là un film d'action efficace.