Refoulant le passé, le futur continue d’être
Ce qu’il a toujours été.
Antonio Tabucchi
D’abord, j’étais vraiment fâchée de m’avoir pourri la soirée avec ce film nauséabond et c’est seulement à cause de ma curiosité de voir comment tout allait finir que je ne suis pas sortie du cinéma au milieu du film.
Mais après, j’ai pensé aux critiques que j’ai lues, aux gens qui m’avaient dit que c’était un film sur le vide, sur un univers du kitsch alors je m’attendais à voir ça : un film sur la vide, au lieu de quoi j’ai vu un film sur la perversion. Et j’ai commencé à me demander si ceux qui m’en avaient parlé, l’avaient vraiment compris.
J’y ai vu une perversion omniprésente, mais il ne s’agit pas seulement de celle de Hollywood, elle est présente aussi, mais comme en arrière-plan,il s’agit surtout de celle généalogique, qui comme un poison passe de génération en génération. Dans le film de Cronenberg, nous voyons peut-être la troisième génération des paumés. Des gens qui ont grandi dans des ambiances malsaines voire criminelles. Havana Segrand (dans ce rôle Julianne Moore), est hantée par le spectre de sa mère avec qui visiblement elle a eu une relation difficile, remplie de compétition et de jalousie, et qui fait un écho au Black Swan de Darren Aronofsky. Si sa mère est morte dans un incendie, elle-même finit assassinée par une sorte de "double", une fille "incendiaire", comme si l’acte manqué, celui d’assassiner sa fille avait été accompli par une autre à sa place. On pourrait dire qu’elle est hystérique et perverse, mais c’est surtout une grande malade au bord de la folie. Tout son comportement, et notamment la scène où elle séduit le copain d’Agatha, est centré autour de la question qui fait écho à la méchante reine de Blanche Neige quand elle demande : « Miroir mon beau miroir, suis-je toujours la plus belle ? » Mais l’autre est loin d’être une innocente Blanche Neige, au contraire, elle sera sa future meurtrière. Agatha (Mia Wasikowska) une fille des parents incestueux, qui apparemment ont commis des meurtres eux-aussi, mais nous ne saurons pas de quels meurtres s’agit-il (peut-être de leurs parents qui les avaient séparés dans l’enfance, un peu comme eux, ils ont séparé Agatha et son frère, ou encore, il s’agissait d’autres meurtres, nous ne le saurons pas), nous verrons seulement que la mère, apparemment normale, en souffre terriblement, pleure et crie pendant les nuits, quand la culpabilité l’envahit.
Agatha qui dans l’enfance a essayé de brûler la maison avec son frère dedans, est en quelque sorte désignée comme la « folle de l’histoire » familiale, en réalité, est une sorte de bouc émissaire. En l’éloignant et en l’enfermant à l’hôpital psychiatrique, ses parents ont imaginé que par ce geste, ils éloignaient en même temps leur passé criminel avec elle. Mais nettoyer les problèmes sous le tapis ne les résout pas, au contraire, ils commencent à pourrir. Le frère et la sœur, meurtriers et délirants, hantés par le passé familial, provoquent la mort de leurs parents et ensuite se suicident eux-mêmes,c’est l’unique moyen qu’ils ont trouvé d’interrompre leur souffrance insupportable.
Pour paraphraser le proverbe : qui sème le vent, ce seront ses enfants qui récolteront la tempête. Les racines empoisonnées donnent des fruits malades, et malgré tous les efforts superficiels que les personnages font dans le film (thérapies, massages etc), ils n’arrivent à rien résoudre, et ils finissent tous emportés dans une tempête du délire.