Comment briller en mourant ? Il n’y a qu’une étoile pour le savoir.
Il va sans dire que ce film a de quoi dégoûter à vie d’une séance de Yoga. Havana Segrand (Julianne Moore), ouvre le film sur l’une de ses consultations « relaxantes ». Elles visent à lui faire expulser le traumatisme d’un inceste perpétré par sa mère, Clarice Taggart (Sarah Gadon) durant son enfance. Julianne Moore demeure invariablement au sommet de son talent, jonglant entre le comique dans l’amer et le tragique dans l’absurde. Elle fait rire lorsqu’elle pleure, grimacer lorsqu’elle danse de joie après la noyade « providentielle » d’un jeune garçon. C’est cette mort en effet, qui lui permettrait d’obtenir le rôle de sa mère (également actrice de son vivant) dans le remake du film qui l’avait rendue culte; et peut-être enfin, de « tuer » cette figure maternelle. Problème, c’est Agatha Weiss (Mia Wasikowska) qui indirectement incarne une sorte de jumelle de Clarice : comme la mère d’Havana, elle est pyromane, et folle. C’est donc sa mère, à travers Agatha, qui la tuera; Havana étant trop incapable de se délivrer elle-même de sa permanente jalousie envers les femmes qui l’entourent.
Difficile d’éviter de sombrer dans les allégories et les raccourcis psychos quand on parle de ce film. Difficile de trouver, au milieu de cette atmosphère suffocant entre les névroses, une plage blanche au milieu de laquelle respirer. C’est étrangement le rôle de Mia Wasikowska, qui bien que schizophrène et manifestement dangereuse apporte d’un sourire cette légèreté au film, y compris lors du mariage macabre final échouant sur cet envol : « liberté ». Liberté que recherchent tous les personnages : qui pour se défaire du passé, qui pour y trouver des réponses. L’inceste, sujet central du film, n’apparaît finalement pas comme la plus malsaine des pulsions en comparaison avec le coït brutal de Jerôme Fontana (Robert Pattinson) et Havana dans la limousine, ou la fuite de cette dernière dans un plan à trois d’un soir tout aussi violent. Un parti-pris culotté sans s’estampiller d’un « regardez-moi, comme je suis irrévérencieux », bienvenu à l’affiche des cinémas. Tous les personnages sont à la fois prisonniers d’une psychose et d’une drogue : Benjie Weiss (Evan Bird) du GHB et des visions héritées de sa sœur, Agatha de sa folie et de son désir forcené de pardon, Havana de ses médicaments et de son traumatisme, Christina Weiss (Olivia Williams) de ses cigarettes et de l’indélébile blessure suscitée par la perte de sa fille, et Stafford Weiss (John Cusack) de son spiritualisme grotesque comme de son obsession des tabloïds. L’inceste premier, celui de M. et Mme Weiss qui l’ignoraient, arrive comme le point déclencheur : de ce non-dit partent toutes les interrogations des enfants qui cherchent à tout prix à dupliquer la scène parentale, comme s’il s’agissait de la seule manière d’effacer cette trace, cette faute non-voulue.
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