« Maps to the star » est, comme nombre de films d’auteurs au style propre et inimitable, parfois au bord de l’incompréhension. Car une fois de plus Cronemberg, comme un Lynch, un Kubrick ou Nicolas Winding Refn a un style vraiment à lui, qu’il tient au fur et à mesure de ses films, et qu’il exploite et élargie en conséquences. Cronemberg adore faire remonter à la surface ce qui est et doit rester cacher. « Maps to the star » apparaît comme dans la ligne directe de « Cosmopolis ». Film bavard, qui cherche à dénoncer les travers d’une société dictée par le pouvoir de l’argent. Et quel meilleur endroit que le monde cinématographique des studios hollywoodien pour dénoncer ces dits travers ? Grace à bon nombres d’hallucinations, d’horribles drames violents et dérangeants, de personnages torturés, complexes et indescriptibles, Cronemberg énonce implacablement son jugement sur le cinéma d’aujourd’hui. Un cinéma dans lequel il ne se reconnaît plus forcement, dans lequel il lui est difficile d’évoluer et surtout un cinéma qui ne lui plait guère. Un septième art dicté par les studios et dominé par l’unique pouvoir de l’argent.
La trame principale est donc simple à suivre, facile à comprendre et relativement passionnante. Histoire de quelques protagonistes à la recherche du succès ou simplement d’un nouveau départ, confrontés aux aléas de la vie et surtout d’Hollywood. La trame cachée elle, est bien plus dur à comprendre comme souvent dans ce genre de films. A part le coté provocateur pour dénoncer le mode de fonctionnement des studios et ce mode de vie hollywoodien on ne voit pas trop ce que veux dire Cronemberg dans son long métrage. Ainsi on assiste à quelques scènes violentes et dérangeantes, quelques meurtres réalistes et puissants où il faut plutôt avoir le cœur bien accroché, et a quelques hallucinations et rebondissements assez dérangeants. Pourtant la conclusion reste malheureusement assez floue…
En tout cas on ne peut que jubiler devant la provocation de Cronemberg qui s’amuse a tuer des gens à coup de statuette des Oscar pour exprimer son dédain quant à cette cérémonie dictée par l’argent et les magouilles des studios.
Le réalisateur nous offre aussi une belle opposition de caractère et de style entre ces deux personnages principaux. L’actrice sur le déclin interprété par Julianne Moore, gamine intenable et fatiguante dans un corps d’adulte, opposée au jeune acteur ayant appris à jouer aux adultes pour rester vivant dans le monde d’Hollywood. Une opposition intéressante donc qui offre des parallélismes et un rythme qui repose sur cette opposition concrète et prenante.
La technique reste une fois de plus irréprochable, plans somptueux et direction artistique magnifique. Cronemberg reste une fois de plus un grand réalisateur et sait toujours aussi bien tenir sa caméra. On peut citer un meurtre filmé implacablement, séquence en plan contre plan inlassable et parfaite.
Mais Cronemberg semble se faire avoir en réalité à son propre jeu. A moins que certaines nuances, certaines métaphores, double lecture ou sens caché nous échappent, Cronemberg se fait prendre à son propre jeu. La où il veut dénoncer la vacuité, le vide absolu des films hollywoodien, déterminer par un énième promoteur de studio millionnaires, et la futilité de certains long métrage qui n’existent que grâce a la superficialité et à l’esbroufe, le dernier long métrage de Cronemberg semble parfois reposer sur ces travers qu’il cherche à dénoncer. Peut être est-ce une exagération légère c’est vrai, mais après tout le long métrage de Cronemberg ne raconte pas grand-chose de plus que cette redondante dénonciation d’un système corrompue. Alors qu’il veut combattre la vacuité cinématographique il en deviendrait presque un instrument. Utilisant du style que l’on pourra voir comme de l’esbroufe et de la prétention, pour faire passer un message trop simple pour du Cronemberg, trop rudimentaire pour qu’il soit légitime d’utiliser tous ces artifices, tous ces talents de réalisation et de mise en scène.
Ainsi on a quelques difficultés à voir où Cronember veut nous emmener, parce que si c’est simplement pour nous dire que Hollywood est peuplé de plein de salopards sans morales, on est déjà au courant… et le souci c’est malheureusement que Cronemberg ne raconte pas grand-chose d’antre, si ce n’est rien du tout. Ainsi son talent de faire resurgir la caché, l’inconnue, à son spectateur est ainsi carrément vain et donc inexistant, ce qui fait disparaître le point fort principal de l’auteur. Heureusement il nous reste toujours le passé, les secrets, les évènements refoulés et difficile à gérer des personnages qui apparaissent et qui nous passionnent. Mais toutes ces histoires ne sont qu’anecdotiques, ne sont que des détails puisque le vrai fond du film reste la critique du monde hollywoodien.
On peut également parler des apparitions, ces spectres que voient le gamin et Julianne Moore. Cela sont-elles simplement des hallucinations psychologiques, pour exprimer la chute lente et immuable des personnes vivant dans le monde frénétique de Hollywood ? Des représentations des évènements refoulés des protagonistes ? Cronemberg ne le développe pas assez et ces apparitions arrivent donc un peu comme un cheveu sur la soupe sans grande explication ni légitimité de leurs existences. Alors pourquoi des fantômes ? Simplement pour donner une dimension fantastique ? Ca fait léger non ? Ainsi cette dimension fantastique ne semble rien avoir à faire dans « Maps to the star » si ce n’est pour jouer sur l’ambiance, ajouter une inquiétude supplémentaire au spectateur, et exprimer la noirceur et le danger du monde dans lequel évolue les personnages. Appuyer l’ambiance lourde et déjà irréelle de base.
Quoi qu’il en soit le long métrage de Cronemberg réserve évidemment de bonne chose. Le film reste atypique et différent de ce que l’on nous donne à voir dans nos salles de cinéma actuel. Il reste quelque fois audacieux et évidemment incroyablement bien maitrisé. « Maps to the star » est également passionnant sur la plus grande partie de sa durée. Les effets de styles et de mise ne scène, ainsi que de cadrage restent pour certains totalement géniaux. Non le seul problème du dernier film de David Cronemberg reste son message, car par moment on ne sait tout simplement pas ou veut aller le film et ce qu’il veut nous dire.