Fantasia, troisième long-métrage Disney, vaut pour sa prouesse technique (un travail dantesque sur le son, pour l'époque) mais aussi pour son louable projet d'intéresser les enfants à la musique classique au travers de huit tableaux qui reprennent des auteurs très diversifiés (Bach, Tchaïkovski, Dukas, Schubert, Beethoven...). Les intertitres sont aussi très intéressants pour les adultes puisque le "maître de soirée" (un présentateur fort sympathique) nous décrit en détails les significations des morceaux choisis mais aussi les partis-pris des animations visuelles (le fait de célébrer la vie, la mort, l'espoir...). Mais l'on s'en aperçoit bien vite si l'on n'adule pas spécialement "l'Art pour l'Art", le film est beaucoup trop long (2h10) et les enfants auront bien du mal à ne pas décrocher dès le démarrage en animation abstraite : le premier tableau est une prise de risque certaine, puisqu'en faisant le choix de ne pas raconter d'histoire et de préférer animer des formes et des couleurs, enfants et adultes peu enclins à l'art abstrait auront une folle envie de mettre Bambi. Subjectivement, le film s'est terminé avec un bras endolori des pincements continuels pour ne pas piquer du nez toutes les vingt minutes... Certains tableaux intéressent plus que d'autres, les meilleurs accordant les ponctuations musicales aux gestes des personnages ou objets (L'Apprenti Sorcier, Le Casse-Noisette...), tandis que d'autres sont plus légers sur l'enjeu de leur "intrigue" (si l'on peut dire) et tiennent l'attention plus difficilement sur la longueur (La Symphonie Pastorale avec les centaures et les angelots qui est niaise et longue, les cellules qui flottent dans l'eau qui aboutissent en dinosaures qui s'égorgent sur Le Sacre du Printemps qui nous en met plein les oreilles, Une Nuit sur le Mont Chauve qui combine une séquence de démons qui dure trop pour ne pas nous faire décrocher et un Ave Maria qui sauve le tableau in extremis en nous insufflant - enfin - une émotion forte avec ses voix poignantes). Fantasia, malgré son gain financier colossal, n'a pas eu le succès populaire qu'il attendait, et l'on se demande combien de temps un enfant tiendrait aujourd'hui devant une rediffusion familiale... Il n'en reste pas moins que l'on découvre une large palette de musiques classiques, de grands noms du genre, que l'on adore apprendre les leçons dispensées par le maître de soirée, que les animations dessinées à l'ancienne ont ce grain qui les rendent uniques, que L'Apprenti Sorcier est indémodable (preuve en est : il est remis en copier-coller dans la version 2000), que le ballet du Casse-Noisette est toujours un enchantement pour les oreilles, que certains délires tels voir des autruches, hippopotames et crocodiles qui dansent en tutu est un régal, et que la première apparition de Mickey sous ses nouveaux (et presque définitifs) traits est une précieuse archive.