Metro Manila tient la route, littéralement : il se regarde comme l'on contemple, un peu absent, le paysage défilant à travers la vitre d'un train qui roule pendant deux heures. Ce train-là traverse le Grand Manille, ses quartiers pauvres et ses quartiers encore plus pauvres. Ses haltes sont discrètes et rapides et la raison de son cheminement, incertaine : Sean Ellis montre certes l'extrême pauvreté ambiante sans trop d'apitoiement -gare aux chatons, tout de même- ni esbroufe, mais également sans conviction. Aussi ne laisse-t-il aucune prise à son spectateur qui se contente de "[regarder les images, et c'est beau]" (1). C'est le tumulte de la capitale philippine qui retient son intérêt, et ce qui surprend, c'est la manière floue et silencieuse qu'il a de le filmer. Puis il plonge dans ce décor, comme l'on jette dans la fosse aux lions, une famille de provinciaux dont le snobisme des Manillais est clairement le moindre des soucis. Bien plus tragiquement déterminante est l'inefficacité du Pôle Emploi local, qui marque le début de la fin mais n'entame pas la détermination du père, Oscar Ramirez, véritable antihéros du film. Tel le Ting du plus kitsch -mais aussi plus stylé- Ong Bak débarquant à Bangkok pour sauver l'honneur de son village, sa naïveté déconcertante, parfois touchante, n'a d'égales que son intégrité et son abnégation. Seulement, lui n'est effectivement pas fait pour la violence qui, film asiatique oblige, finit par lui tomber dessus. Encore que Metro Manila s'illustre par sa retenue, et Sean Ellis par sa capacité à systématiquement désamorcer les scènes dont on redoute -enfin, espère- qu'elles se termineront en bain de sang, de sorte que les évènements ne prennent jamais la tournure de The Raid : Redemption, que rappellent pourtant certains plans. Personnage complexe dans sa simplicité confinant à la bêtise, Oscar n'est ni vraiment ignorant, ni indifférent ; il est terriblement naïf -ce que révèlent tant ses paroles, en plein, que la dureté et la lucidité de tous ceux qu'il côtoie, en creux (2)- et tâche de rester digne.
Il mène sa vie chienne en silence, traîne son improbable infortune en silence, hurle en silence et meurt en silence. Difficile de voir en la fin une quelconque victoire, plus encore de parler d'héroïsme : le protagoniste l'affirme maladroitement, l'acte est désespéré et l'issue, certaine.
Bref, Metro Manila vire à l'ode au misérabilisme et au pathétisme. Si le film se laisse regarder, il est suffisamment niais pour laisser insensible. "Tchô, monde cruel" (3) !
1) Les Inconnus, "Making of L'Homme qui pleure avec Raoul le boulanger".
2) J'ai trouvé efficace l'échange entre le père de famille et la voisine : "[Nous n'avons pas d'argent. -Personne n'en a, c'est pour cela que nous vivons dans un bidonville.]"
3) Titeuf, Zep, 1997.
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