À propos de ce film au demeurant pas très bon, on n’a cessé de radoter le mot "immersion", popularisé par une émission de télévision – comme quoi le panurgisme et les clichés ont encore de beaux jours devant eux...
Ceuta est une petite ville (environ 85 000 habitants) assez moche, insérée dans un paysage plutôt morne, au bord de la Méditerranée, un comble. Incluse sur le territoire marocain, elle appartient toujours à l’Espagne, qui refuse de lâcher cette enclave et celle de Melilla, plus à l’est, alors qu’elle a accepté d’abandonner au Maroc le vaste territoire du Sahara occidental, annexé par son voisin du sud lors de l’agonie du général Franco – le roi Hassan II avait su sauter sur l’occasion, tout en promettant un référendum d’autodétermination qui n’a évidemment jamais eu lieu, ni de son vivant, ni pendant le règne et de son fils et successeur.
De par cette situation, la ville est le but de tous les miséreux qui abondent en Afrique, et aussi du Maroc, et qui cherchent à passer en Europe, havre de liberté et de prospérité, comme on sait. Le film montre même... deux Indiens qui ont fait le voyage en bateau et traversé l’Afrique avant d’échouer à cet endroit ! Car le fait qu’il n’existe aucune frontière légale entre ce territoire espagnol et l’Espagne proprement dite, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, n’empêche pas la police locale, qui connaît la musique, de tout contrôler pour endiguer l’émigration massive. Mais comment condamner les Espagnols, sur lesquels repose à présent le fardeau, économique, culturel, de santé et de sécurité ?
Le film commence par un carton disant qu’ils ont construit autour de la ville un "mur", qui serait "le dernier en Europe". En fait, rien à voir avec celui de Berlin, car c’est tout au plus une palissade, qui peut être aisément contournée en passant par la mer ! Mais le problème demeure, car, une fois à Ceuta, les candidats à l’émigration se retrouvent sans ressources : ni argent, ni papiers le plus souvent, ni travail. Hébergés dans un centre qui a été créé pour eux, le CETI, ils survivent par les moyens du bord, où la solidarité entre miséreux tient une grande place. Mais il est faux et injurieux de prétendre que les Espagnols les maltraitent ou ne font rien pour eux. Simplement, ils sont débordés, comme les Italiens à Lampedusa.
En fait, on ne donne la parole, ni aux Espagnols, ni aux Marocains, mais seulement aux cinq émigrants que nous suivons pas à pas, et qui racontent leurs malheurs, survenus principalement dans la traversée de l’Afrique, notamment au Sénégal, où ils sont, disent-ils, très maltraités. Seul espoir, obtenir un visa pour passer de l’autre côté, mais son obtention est subordonnée à une exigence que peu satisfont : être un réfugié politique. Pour les réfugiés économiques – la majorité –, les chances sont minces.
Le film est réalisé avec un parti-pris un peu agaçant : une caméra portée suit longuement un personnage qui marche, vu de dos uniquement, et un commentaire "off" dit par lui (donc PAS pendant la prise de vue, contrairement à ce qu’affirme la publicité) évoque ses épreuves ou ses espoirs. C’est vite lassant, car rien ne justifie cette méthode bizarre. Il est vrai que les deux réalisateurs sont des débutants, et qu’ils ont droit à quelques maladresses. Néanmoins, le principal grief qu’on peut leur adresser consiste en ce qu’on n’apprend rien qu’on ne sache déjà.