La Palme d’Or à Cannes en 1986 n’est pas l’unique pamphlet engagé du cinéaste Roland Joffé. Ce n’était donc pas une surprise, à l’époque, qu’un tel réalisateur s’attaque aux conflits religieux et politiques lors de l’annexion, au 18ème siècle, de l’Amérique latine par les colons européens. Pour autant, les enjeux de Mission ne sont pas uniquement axés sur la domination chrétienne envers les indigènes, le film dénonçant bien d’avantage la division au sein de l’Eglise romaine, ou encore, le partage difficile des contrées découvertes entre espagnols et portugais. Il est dès lors captivant de se pencher le temps d’un métrage sur l’histoire qui traça les frontières des nations sud-américaines. Film historique d’abord, puis drame social, Mission n’est qu’une peinture critique d’un fait politico-religieux qui orienta tout un continent dans les élans qui sont les siens aujourd’hui. Subjuguant.
Intrinsèquement, le film de Joffé n’est pas un haut fait de divertissement. Rien n’est ici palpitant, ni même réellement surprenant. Pour autant, le cinéaste travail si consciencieusement que l’on en oublie parfois qu’au casting, des vedettes hollywoodiennes s’octroient les rôles principaux. L’on sent immédiatement l’alchimie entre histoire et fiction. Impeccablement tourné, Mission s’impose très honnêtement comme une très grande réussite du film historique moderne, d’autant qu’à l’heure actuelle, la version restaurée de l’œuvre de 1986 est tout simplement sublime. Plus intéressant encore que les enjeux de l’histoire, voilà les paysages luxuriants des confins argentins, paraguayens et brésiliens, ou le point de confluence n’est autre que les mythiques chutes d’Iguaçu. Les formidables chutes en question sont sublimées par la direction artistique de Joffé, mises en valeur par un travail visuel de toute grande qualité. La jungle profonde qui accueil la mission jésuite est elle aussi admirablement filmée, sans tricherie. N’oublions pas qu’un grand pourcentage des protagonistes du tournage auront vécu le calvaire dans l’enfer vert.
Si Mission est certainement, et c’est peu de le dire, le film le plus impersonnel dans la filmographie de Robert De Niro, c’est parce qu’ici la star se voue entièrement à son réalisateur. Si le charisme de l’acteur est toujours le même, pas d’individualisme aux contours. L’interprète signe là une performance majeure, une de plus, sans éclipser le moins du monde ses compagnons de tournage, dont l’excellent Jeremy Irons, ici tout de même un peu naïf en tant qu’acteur. L’on notera accessoirement que Mission est aussi l’une des premières vraies apparitions d’un acteur solide de maintenant, Liam Neeson. Casting impeccable, photographie somptueuse, récit captivant pour peu que le sujet intéresse, manque au final qu’un zeste d’énergie pour que le film de Roland Joffé fasse vraiment partie des grands classiques du cinéma, catégorie auquel le film prétend.
Certes important historiquement, le film n’a pas toujours le rythme physique qu’il devrait avoir. Oui, alors que l’on se prépare à une bataille finale épique en pleine jungle sud américaine, voilà que la séquence, dans l’idée très réussie, manque sincèrement de panache, de rythme. Bien que le raid des forces colonialistes portugaises et espagnoles soit révoltant, Roland Joffé manque à plusieurs reprises ses séquences d’action, d’une mollesse parfois étonnante. Pour ne pas faire la fine bouche, soulignons que le cinéaste fût très ambitieux qu’il sera finalement parvenu à réaliser un film important, un film historique captivant qui sans trop écorcher la maison de dieu, soit l’église, n’est pas pour autant très tendre avec elle. Enfin, en 1986, personne ne pouvait se permettre cette offense. 16/20