La première chose que, très étrangement, je vais retenir de Mission, c'est que ses quarante premières minutes contiennent déjà un arc narratif dont la force est au moins équivalente à ce que bien des films prennent toute leur durée, et un climax appuyé, pour développer. La rédemption de Robert de Niro en mercenaire esclavagiste est sublime, très sobrement amenée. Elle fait partie de ces histoires qu'on a déjà vues, mais que je trouverais pourtant toujours trop rares, d'hommes que la douleur a rendus à eux-mêmes.
Ainsi, le meurtre passionnel de son frère (Aidan Quinn, qui avec Légendes d'Automne, n'est décidément pas gâté par ses frères de cinéma) substituera, dans le coeur du personnage du grand De Niro, l'amour véritable à une affection non moins forte mais dont l'égoïsme finira par le faire plonger.
Très simplement, Roland Joffé rappelle comme il est bon d'accompagner les passions d'une sensibilité véritable à chaque coeur qui bat autour de nous, d'un amour qui embrasse tout et donne autant qu'il prend. Et c'est ce que ces peuples autochtones, cette Nature, et la bonté d'un Jeremy Irons transfiguré, matérialisent si bien. Peut-être aurais-je quand même préféré une photographie un peu plus solaire, et quelques plans plus contemplatifs, pour donner à The Mission un peu plus de la fibre animiste qu'on sent le traverser trop imperceptiblement (sans pour autant que j'aurais souhaité le voir tomber dans les excès que je trouve à un Terrence Malick, bien sûr). Quoi qu'il en soit, le film dérive ensuite vers une portée bien plus politique, s'attachant à dénoncer les incohérences de nos ancêtre occidentaux et leur colonisation à deux vitesses, avec ses appels à l'autorité divine pour justifier des crimes on ne peut plus humains. Si le tout est très intelligent, jamais outrancier, et parait bien documenté, c'est quand même là que le film m'a quelque peu lâché. Je lui trouve un manque de souffle regrettable pour une telle fresque historique, le genre se devant à mon goût de rendre la grandeur et le désespoir de l'époque d'une façon un peu plus appuyée (Le Dernier des Mohicans restant pour moi la référence en la matière). Si je pardonnais le manque d'animation du Christophe Colomb de Ridley Scott, auquel Mission m'a aussi beaucoup fait penser, c'est bien parce qu'il contait avant tout l'effondrement d'un rêve individuel et accompagnait sa relative lenteur d'une certaine mélancolie. Qu'importe, en l'état je retiendrai davantage la fibre humaniste, le casting et la subtilité de ce film, étonnament apaisant malgré la dureté de son récit. Se dire que des hommes comme Irons ont existé ou qu'ils existent peut-être encore, voilà sans doute ce qui me réconforte. Le simple fait que certains, comme Roland Joffé, mettent tant d'ardeur et de conviction à les imaginer, d'ailleurs, prouve combien il git de compassion dans une humanité qui n'est jamais aussi belle que quand elle combat sa laideur. Inspirant.