Avis sur Ordres d'exécution

Ce film est exceptionnel et s’il n’y avait pas quelques terribles lourdeurs de style dans la façon de filmer la détresse psychologique et quelques fausses pistes que le réalisateur n’aurait pas du introduire, honnêteté intellectuelle oblige, je pourrais le mettre dans ma liste de mes films préférés. D’abord le scénario se prête parfaitement au climat de la guerre de 1939/1945. Ce qui est montré à Paris pour un spectateur français ne peut être qu’égalé mais pas dépassé car il touche monsieur ou madame tout le monde. Asquith est un réalisateur méconnu qu’il faudra un jour ressortir de l’ombre. A partir du moment où l’angoisse nous gagne, elle ne nous quitte plus d’autant qu’elle porte autant sur la violence physique à craindre que sur notre conscience. ‘’Ordres d’exécution’’ parle mieux de la guerre et des hommes que n’importe quel autre film, il aborde quasiment toutes les situations qui peuvent se produire et donne des réponses intelligentes à chacune d’elles. Outre toutes ses qualités, il nous est donné d’admirer Iréne Worh, l’actrice qui a formé Meryl Streep, dans le rôle de Léonie. Il y a des moments comme cela où le cinéma atteint un instant de grâce. Ainsi est la séquence dans laquelle on la voit dire à ‘’jean’’ toutes ses vérités et toutes les vérités…Elle est par sa dureté l’opposée même de celle de la visite à la grand mère dans ‘’Elle et lui’’, le spectateur ne peut et ne doit jamais oublier la leçon reçue. Des trésors sont à sortir directement en blurays pour constituer une vidéothèque digne des belles bibliothèques de nos ancêtres, ce film en fait partie.

Toute une partie de ce film a vieilli. L'entraînement du tueur frise le ridicule. On relève aussi de grosses invraisemblances comme le choix d'envoyer un jeune aviateur américain exécuter un traître de la résistance en France. Les services secrets ont en général le personnel disponible et ils font appel à des professionnels dénués de scrupules, souvent à des truands qu'ils sortent de prison à cette occasion en échange d'une remise de peine. En revanche, la scène avec Iréne Worh est poignante et sauve le film à elle seule. Il est assez rare que des films anglo-saxons de cette époque rappellent que les bombardements des alliés faisaient de nombreuses victimes civiles. Les comédiens sont excellents et la fin un peu ambigüe. On comprend que le réalisateur a voulu insister sur le milieu familial et social du principal personnage pour expliquer sa psychologie, mais on regrette tout de même le manque de rythme et de réalisme de la première partie. En revanche, la reconstitution de Paris sous l'occupation est très réussie et même inhabituelle pour un film américain. Entendre tous les personnages français parler anglais est assez gênant, mais on finit par s'y faire...