Avec ce deuxième épisode officiel de l’ère Disney (Rogue One n’étant qu’un spin-off, rappelons-le), la saga "Star Wars" a soulevé un vent de protestation rarement atteint dans son histoire. Est-ce l’attente suscitée, la haine des puristes qui n’ont toujours pas digéré le rachat par Disney ou, tout simplement, l‘ère Twitter et de ses haters, difficile à dire tant je trouve que la mauvaise réception de ces "Derniers Jedi" est franchement disproportionnée au vu des qualités intrinsèques du film. Tout ce qui pouvait se dire de mal a été dit, du rythme trop lent aux Porgs étiquetés "bonne idée cadeau pour Noël" en passant par les nouveaux pouvoirs des Jedis, le trop plein d’humour ou encore la fameuse scène de Leia utilisant la force… Mais, à cette dernière exception près (notable certes mais insuffisante pour flinguer le film), j’ai l’impression que le public est passé, pour la plupart, à côté de l’ambition de cet épisode qui, mine de rien, prend ses distances avec la saga (ce que "Le Réveil de le Force" n’avait pas su faire) alors que tout le monde craignait un remake de "L’Empire contre-attaque". La plus grande force des "Derniers Jedi" me parait, d’ailleurs, résider dans le refus du manichéisme qui a un peu tendance à être la norme dans "Star Wars" (la dichotomie "côté obscur / côté lumineux" le résume parfaitement). Ici, tous les personnages sont présentés sous un jour ambigu, privés de certitudes et en proie à toutes les tentations. A titre d’exemple, la lumineuse Rey (Daisy Riley)
est tentée par le côté obscur (ou, à tout le moins, ne craint-elle pas de s’y frotter)
alors que Kylo Ren (Adam Driver) est
de plus en plus déchiré au point de devenir impossible à cerner
. Idem pour le pilote héroïque Poe Dameron (Oscar Isaac) qui
fait dans la mutinerie
, pour la vice-amiral Holdo (Laura Dern)
dont on cerne mal les intentions
ou encore pour le hacker DJ (Benicio Del Toro). Même le légendaire Luke Skywalker (Mark Hamill), autrefois parangon de pureté chevaleresque, dévoile
une face sombre qui paraissait impensable
. Ainsi, bien que les services marketing de Disney ait choisi le rouge comme couleur prédominante de cet opus, c’est incontestablement le gris qui prédomine ici… ce qui a visiblement dérouté énormément de fans, hurlant contre cette réécriture du héros de leur enfance mais, également, contre le saccage de l’héritage "Star Wars". Mais, une fois encore, c’est passer à côté du propos du film, qui est clairement un passage de témoin où les illustres anciens perdent leurs certitudes pour laisser la place à une jeunesse mieux armée pour affronter les nouveaux périls. La scène de
l’arbre Jedi incendié (avec un retour du Yoda d’origine !)
symbolise parfaitement ce parti-pris. On peut le déplorer mais on ne peut pas reprocher aux scénaristes de na pas s’être creusés. "Les Derniers Jedi" est donc un film de rupture ambitieux… et ne réussit pas tout à ce titre. Ainsi, après un époustouflant premier tiers, le film se disperse un peu et se montre plus inégal. La première victime est ce pauvre Finn (John Boyega), qui ne bénéficie pas forcément du même travail d’écriture que ses camarades et semble être le grand oublié de cet opus (espérons que le dernier épisode rattrapera ce défaut). De manière générale, les scénaristes semblent avoir été plus soucieux de l’aspect métaphorique de l’histoire (on parle du poids du passé, de religion, d’esclavage, de lutte des classes…) que de sa construction en tant que tel, ce que confirment les facilités scénaristiques auxquels ils se livrent souvent. L’histoire parait, ainsi, moins fluide et le film parait parfois un peu long… ce que la rareté des combats au sabre laser vient accentuer même si, du coup, les deux séquences fortes où les personnages sortent les armes ont une saveur toute particulière. Ainsi, l’affrontement opposant
Rey et Kylo Ren aux sbires de Snoke
est un grand moment de fun, visuellement superbe. Quant au duel tant attendu entre
Luke et Kylo Ren
, il résume parfaitement la volonté du film de prendre le spectateur à rebrousse-poil. On retrouve cette volonté dans la résolution d’un certain nombre de grands débats ayant agiter la toile depuis deux ans sur le sort de tel ou tel personnage
. La mort inattendue de Snoke (qui n’aura donc pas révélé se secrets) et la révélation de l’identité des parents de Rey (tellement banal)
sont autant de pieds de nez qui ont déçus certains mais qui, pour ma part, m’ont plu par leur crédibilité. Quant à l’humour si décrié, je ne l’ai, non seulement, pas trouvé omniprésent mais, surtout, je l’ai trouvé souvent très drôle
(Dameron tentant d’entrer en communication avec le général Hux, les maladresses de Rey sur Ahch-To, Luke s’époussetant l’épaule…)
. Je fais, donc, partie des rares soutiens de ce 8e épisode… même si j’attends un deuxième visionnage pour me faire mon avis définitif.