Ce film accentue l'étrangeté du phénomène Star Wars et de son succès à la limite de la maladie mentale collective. J'en parle en tant qu'ancien demi-fan de Star Wars. Je suis de cette génération qui a grandi avec les films et les jouets Star Wars. J'ai longtemps "adoré" ces films, surtout l'épisode V. L'épisode IV, le premier film, était une réussite très particulière, une expérience astucieuse au résultat inattendu : un mélange de conte de fées/cape et épée (les chevaliers jedis, les princesses, les magiciens, sorciers, orcs et trolls, et les donjons de l'étoile noire) et de western (Han Solo, fusillade en tout genre), dans un décor de science-fiction, où la science n'avait pas du tout sa place : on parlait magie (ou Force), mais jamais technologie. On parlait valeurs, sentiments, espoirs, résistance et liberté, mais jamais de politique sinon sous une forme manichéenne qui ne reflétait que la notion de bien et de mal. Cette naïveté romantique était la force de Star Wars, car elle rendait tout acceptable. Ses allures de fables, de parabole, permettait de ne pas souffrir de l'absence totale de psychologie. Les personnages incarnaient avant tout des archétypes : la princesse, le bad boy aventurier, le vieux mage/sage (Merlin, Gandalf, soit Obi Wan Kenobi), l'enfant fils de roi déchu, né fermier ou écuyer, adopté par des membres du petit peuple mais qui grâce à un destin extraordinaire retrouvera le chemin de la grandeur, le cruel seigneur noir despote, etc. Tel était le fond, finalement mince et un peu bordélique, mais tout de même attachant, de Star Wars, et qui était sans doute plutôt un prétexte riche pour un exercice de style potentiellement innovant. Et d'ailleurs, selon moi, la vraie vedette des deux premiers films était le travail des accessoiristes, décorateurs, costumiers, qui, pour donner vie à ce patchwork sensé dépeindre un passé mythologique mais aussi futuriste et technologique, avait eu la bonne idée de fabriquer des éléments qui donnaient l'illusion d'avoir vécu : tout y était usé, fatigué et apportait une histoire à ses objets sans qu'on est besoin de nous l'avoir raconté. Je remarque d'ailleurs qu'enfant, je n'utilisais jamais mes jouets Star Wars pour raconter une aventure de Han Solo ou Leia Organa ou Luke Skywalker, afrontant Darth Vader : je recréais mon propre univers en utilisant les accessoires pittoresques de Star Wars. Le Retour du Jedi n'avait plus tout à fait la fraîcheur des précédents films et présageait déjà de ce qui allait arriver : une formule que l'on tente de recycler à l'infini, en l'abordant de manière plus cynique. On singe la naïveté du premier, mais sans sincérité, sans l'esprit d'aventure des pionniers qui s'abandonnait à une expérience créative et ludique. Désormais, de ce travail initial, ce moment un peu magique, on cherche à en tirer une "recette", plus ou moins bien comprise, sans vouloir de tous les ingrédients. Or, pris ainsi (et peut-être de toutes les façons), la formule Star Wars, à l'instar de la mode du péplum, est voué à engendré essentiellement des nanards. Ce nouveau Star Wars ne réussit pas à trouver le ton juste et vacille entre film de science-fiction/action moderne et tentative de renouer avec le très évasif esprit Star Wars, avec pour résultat quelque chose de bancal et sans cohérence, comme une mayonnaise qui n'aurait pas pris, malgré la présence des ingrédients les plus importants, du moins semblait-il. A mon sens, l'une des principales raisons de cette incapacité à trouver la "formule idéale" est la concession qui a été faite par la série au positivisme de notre époque. Tel que je ressentais les choses avec la première trilogie, la science (fiction) du monde de Star Wars était si avancée, si complexe et si riche qu'elle ne s'expliquait plus comme nous le ferions à notre époque. Elle s'apprenait comme on apprend de la Magie, de la Sorcellerie, accessible uniquement à travers une intuition procuré par un enseignement d'ordre philosophique, à la limite de l'Hermétisme. Or le scientisme de notre époque a précisément beaucoup œuvré pour ringardiser ce genre d'approche et le mysticisme technologique de Star Wars est rentré dans la catégorie "New Age". Cet aspect "philosophique" du film n'est donc plus du tout assumé (même George Lucas a cédé au conformisme moderne, dès l'Episode I, en introduisant les "midichloriens" pour faire de la Force un élément "rationnel" et par conséquent plus du tout magique) et c'est ce qui rend désormais la formule originale si difficile à réitérer, car le positivisme qui, sous la pression du conformisme de notre culture contemporaine s'est immiscé subrepticement dans la narration, exige que la magie improbable de la technologie Star Wars ait un début d'explication rationnel qui puisse être au moins déduite ou imaginé, ce qui n'était pas le cas des premiers films qui justifiaient tout par le surnaturel des contes anciens. Par ailleurs, en terme de narration, ce film renforce l'un des plus gros défauts de l'univers de la saga qui est de donner l'impression qu'il n'y a finalement pas grand monde qui peuple ce cosmos, tant on recroise sans cesse les mêmes personnages, et quand un nouveau débarque, il est déjà connu des autres, et que toutes les planètes semblent être les unes à coté des autres (mention spécial à ce moment très embarrassant où l'on peut voir à l'oeil nu et "en direct" dans le ciel d'une planète ce qui se passe sur une autre planète... Même les premiers Star Wars et leur science-fiction "ascientifique" nous avait épargné des incongruités aussi manifestes). Ce Star Wars n'est d'ailleurs pas aussi ouvertement positiviste que je pouvais le laisser entendre, mais ce qui trahit le film, est la manière d'aborder les nouveaux personnages. Ces personnages sont taillés avec la même naïveté, le même manichéisme que ceux qui peuplaient les films originaux, mais sans avoir l'excuse d'incarner des archétypes. Leur psychologie est réduite au minimum, comme un archétype, mais sans en être, faisant de facto sortir le film du modèle "conte de fée dans l'espace", le transformant en film d'aventure/action, plus proche de "Indiana Jones dans l'espace" que de Star Wars. L'idée de créer un personnage dissident parmi les stormtroopers est une excellente idée en terme de ressort narratif, mais la personnalité de ce stormtrooper ne m’apparaît pas comme une évidence, loin de là. J'ai du mal à croire qu'un tel homme ait pu survivre si longtemps à ce que j'imagine être la vie d'un soldat entraîné depuis l'enfance à devenir une machine à tuer (même si leur capacité à viser ne s'est pas beaucoup amélioré depuis les premiers films). Je pense que le film aurait gagné en intérêt avec un personnage plus ambiguë, plus sombre, plus torturé, qui ne soit pas si niaisement sympathique. Il n'en aurait été que plus touchant. Et il aurait été possible d'en faire un archétype de "renégat" en quête de rédemption. Tel qu'il existe ici, ce personnage donne plus l'impression d'avoir passé son enfance chez les scouts et nous, spectateurs, faisons sa connaissance dans le film au moment précis où il découvre qu'en fait, on l’entraînait à tuer des gens depuis tout ce temps... mmmh Il y a quelque chose de pourri dans les centres de formation du Nouvel Ordre. Cet épisode VII est un quasi-nanard distrayant, avec de bons moments, mais sans génie, sans charme, rien d'attachant, parfois agaçant de niaiserie, de facilités, bref, peu excitant.