Un très joli film aux multiples qualités. Tout d’abord des dialogues superbement écrits, il y a longtemps que l’on n’avait pas vu un film français aussi intéressant sur le fond. Chaque dialogue est ciselé et pose des questions intéressantes : la jeunesse, le rapport de classe qui subsiste dans la société contemporaine, l’amour est-il possible sans une certaine maturité. Ces dialogues sont captivants, tout en étant jamais rébarbatifs, mais construit dans le flux de l’action. Certaines tirades sur l’engagement, sur la différence de classe sont étonnantes, tout principalement ce qui touche au jeune homme, fils « du beau monde » qui se révolte et se cherche. On est à mi chemin entre Godard pour le fond et Rohmer pour la forme. Le thème est classique , l’amour de deux jeunes gens de conditions sociales différentes , si ce n’est que le profil de la jeune fille est vraiment atypique , milieu modeste, élevé en HLM , mais avec un talent artistique , créatif , unique , pourtant pas très branché : elle adore la broderie .La mise en scène est légère mais profonde, grâce à un montage particulièrement réussi, on passe d’une scène à l’autre , comme par magie, tout est calme , voir même un peu lent et soudainement , un plan vient en rupture, nous surprend , nous bouscule , et accélère le temps figé. C’est très beau, très épuré. La bande son originale est excellente aussi, avec une musique post-électro envoutante, qui crée une sorte de climat oppressant, on a l’impression que le film peut basculer dans le drame à chaque instant. On n’est pas tout à fait à l’aise, en repos, mais habité par une étrange sensation de tension crée sur un sujet pourtant romantique. Et puis bien sûr une direction d’acteurs parfaite. Sergi Lopez est formidable comme toujours, juste , bourré de charisme , tous les personnages secondaires sont très bons, Aurelia Petit, superbe, acide , perfide, en belle mère faussement bienveillante, si juste , le jeune Bastien Bouillon crève l’écran , tout à la fois subtil , fin , mais qui habite complètement son personnage , un petit air de Jacques Dutronc jeune, désabusé et cynique, gros talent , à suivre de près , et bien sûr Ana Girardot excellente, comme on a déjà pu la voir dans « Un homme idéal », elle l’avait déjà démontré , elle joue tout en grâce , en délicatesse, elle amène toute sa fraîcheur à ce personnage complexe, qui se cherche , qui veut réussir ,sans vouloir renier ses origines. Un très gros talent pour une des meilleures actrices de sa génération. Un film émouvant, un film juste, très réussi, dans la grande tradition du très bon cinéma français