Un film très fort, très dérangeant, qui impacte souvent violement le spectateur avec des images que l’on a pas l’habitude de voir. Les images ne sont pas léchées, ne sont pas polies, ni policées, elles sont brutes, filmées comme du réel. Clark comme souvent s’intéresse à un groupe d’ados, ici des jeunes parisiens amateurs, de skate board. Mais ce qui intéresse Clark, c’est les fêlures, les marginaux, les êtres qui n’arrivent pas à s’intégrer au système, les ados qui sont en phase initiatique, qui pousse toutes les limites, mettant à mal leur corps, par la drogue, le sexe et le rock &roll , mais avec un côté trash , désespéré . Ici les deux héros, sont deux garçons, au milieu familial déstructuré. Mat est livré à lui même avec une mère possessive, un peu folle, qui obsède son fils avec des cris larmoyants « mon petit garçon » qui reviennent à intervalle régulier dans le film. Et là, il faut noter l’incroyable prestation de Dominique Frot , la mère de Mat, qui nous livre la scène la plus forte du film, une scène d’amour fou où elle va au bout d’elle même et nous surprend complètement. Je ne la connaissais que pour ses apparitions dans le feuilleton TV « Soda ». Et j’ai ainsi découvert que c’était une très grande actrice de théâtre , qui a joué avec les plus grands auteurs, moins connu au cinéma, que sa sœur de Catherine Frot, Elle se met à nue , au sens propre et figuré , et nous bouleverse totalement par son amour fou , presque incestueux pour son fils. Une actrice révélée et bouleversante. Ensuite le 2e héros est Pacman ,fils d’une famille recomposée un peu bobo, livré à lui même et qui n’arrive pas à trouver sa place dans cet univers déconstruit. Et puis il y a surtout Larry Clark et le sexe, sa façon de filmer , la sueur, le sang , la bave , les rejets , des écoulements, des gros plans, si proche de la vérité , si sexuel . L’incroyable scène durant la rave party, ou un vieux barbu, vient se mêler aux jeunes ados , touchant l’un , palpant l’autre , suçant le cou, caressant les sexes ,c’est complètement perturbant. Il y aussi la scène où la JF , la plus stable du groupe, (très bonne Diane Rouxel) veut faire l’amour avec les deux ados, pour trouver un bonheur collectif, dans une partouze gaie ,dansante et ludique, comme déjà dans « Ken Park » où seul le sexe de groupe permettait une communion, une fraternité . Une scène similaire au début du film où une JF Black , surgit de nulle part, fait l’amour devant les autres copains, en osmose , comme une sorte d’apaisement, tout en fumant des joints .. Il y a aussi cette séquence sur la prostitution de Pacman , avec un vieux client, qui tourne à la révolte, il endort le client et invite tous les copains. La party tourne au saccage, à la destruction de l’appart et des œuvres d’art . On est dans la révolte pure sauvage, tous les canapés sont lacérés , les plumes s’envolent de partout , les enfants cassent tout, sautent sur les meubles, et font du skate sauvage dans l’appart. Cela nous rappelle le cultissime « Zéro de conduite » de Jean Vigo . Il y a une filiation certaine , très forte .La scène finale avec la voiture brûlée , quoique simpliste, symbolique est très allégorique, et boucle bien le sujet : il faut faire table rase du passé. Larry Clark vieux grigou de 70 ans est bien le plus révolutionnaire, le plus rebelle de tous. Il filme le sexe avec avidité, avec addiction, comme il le met en pratique lui même dans la séance de fétichisme du pied , où il se filme suçant le gros orteil de Mat, complètement halluciné, en pleine extase, oubliant la caméra et concentré sur sa pulsion. Il ne joue pas, il vit son fantasme, A noter la formidable bande son de Johnatan Velasquez ( qui fait partie de la bande Clark), alternant les ballades mexicaines et le rock alternatif, grunge . Un film formidable , qui malgré le départ anticipé des deux acteurs principaux, avant la fin du tournage , a su garder un bon tempo, grâce à un très bon montage, les scènes s’enchainent et la fiction est belle . Une formidable réussite.