Que le cinéma est exaltant quand un cinéaste de talent choisit de promener sa caméra sur des terres lointaines, de se confronter à la différence, de s'aventurer vers d'autres cultures ! L'Inde avait déjà été visitée par des cinéastes de grand renom comme Jean Renoir ou Roberto Rossellini : ils y avaient tourné des films passionnants, limités peut-être par leurs regards d'occidentaux, mais néanmoins captivants par ce qu'ils essayaient de révéler à propos de cet immense pays, de ses habitants, de ses mœurs. Le voyage en valait la peine, et c'est aussi ce qu'on se dit après avoir vu ce superbe film de Michel Spinosa.
La question se pose de manière aiguë pour Joseph (Yvan Attal) quand il apprend le décès de Catherine (Charlotte Gainsbourg), son épouse partie en Inde après une dure épreuve et, en fin de compte, retrouvée morte sur une plage près de Madras. A cela s'ajoute l'étrange, l'inouï : une jeune Indienne tamoule, Gracie, se dit possédée par un « pey », un esprit mauvais qui la tourmente et qui ne serait autre que celui de la Française défunte. « Chez vous, en France, explique une Indienne venue informer Joseph de ces faits, vous diriez de Gracie qu'elle est folle. Mais en Inde, on affirme qu'elle est possédée ! ».
Non sans avoir hésité, Joseph se résout à entreprendre ce voyage et à s'immerger dans cet autre monde, cette réalité si lointaine et si proche à la fois. Habilement, Michel Spinosa a su éviter l'exotisme à deux sous, les clichés que transmettent volontiers les occidentaux venus à la découverte du continent indien. L'exotisme est même considérablement tempéré parce que l'on s'immerge au sein d'une communauté catholique de Madras. On a affaire à des chrétiens qui, comme tous les chrétiens du monde, prient en usant des mêmes gestes et des mêmes formules. Mais on a affaire aussi, c'est vrai, à un christianisme teinté de couleur locale, de croyances et de rites auxquelles nous ne sommes guère habitués chez nous. Gracie est possédée par l'esprit de la défunte et rien ni personne ne l'en fera démordre. Les paroles de sagesse et de raison de Joseph, venu à sa rencontre, n'ont d'autre effet que de la mettre en rage. Et c'est un autre voyage que doit entreprendre ce dernier : un voyage intérieur, un voyage qui oblige à se déposséder de soi-même pour mieux appréhender les hantises et les souffrances de l'autre.
Plusieurs flashbacks interviennent au cours du film et nous font découvrir le voyage qu'avait entrepris Catherine : ses souffrances, ses tourments, le pourquoi de sa mort. En allant à Madras, en s'approchant de Gracie, c'est bien Catherine aussi que retrouve Joseph. Parviendra-t-il à délivrer la jeune Indienne possédée, à la libérer de l'esprit qui la tourmente ?
N'hésitons pas à accompagner Michel Spinosa et ses personnages, à entreprendre nous aussi ce voyage, le temps que dure ce film captivant. Nos esprits rationnels et cartésiens en seront peut-être quelque peu déstabilisés, mais c'est tant mieux ! 8,5/10