Convaincu par Michel Simon d’adapter la pièce théâtre « Boudu sauvé des eaux » de René Fauchois, Jean Renoir réalise un film irréverencieux au possible. Dépassant totalement les intentions du dramaturge, il place la lubricité et la vulgarité au fondement même de son film. Déjà dans le discours il y avait largement de quoi faire frémir critiques et spectateurs de 1932, mais la réalisation, où aucun plan gratuit ne vient ralentir ou affadir l’ensemble, a du en estomaquer plus d’un. La qualité des extérieurs, comme des intérieurs, doivent beaucoup à une mise en scène souvent innovante, pour aller à l’essentiel. Par exemple le zoom pour traverser une chambre et se fixer sur la petite bonne (excellente Séverine Lerczinska) dans l’encadrement de la fenêtre de l’autre côté de la cour, résume à la fois la topographie et la volonté de la petite délurée à toujours rechercher le positif dans ses actes (seul Keaton aux USA avait eut ce genre de préoccupation sur l’efficacité visuelle). Ce plan qui se meut inspira des années plus tard bien des cinéastes et trouva une apothéose chez Antonioni dans « Profession Reporter ». Vilipendé à sa sortie, le film connaîtra un véritable triomphe dans les années soixante, où sa modernité et sa glorification de l’anarchie, le plaçait au sommet de la tendance libertaire, De plus, rétrospectivement, Boudu offre à Michel Simon un de ses plus grand rôle à l’écran. De nos jours, nihilisme, conflits et cruautés ont remplacé cette bande de « bourgeois et leur clochard » pour paraphraser Disney, les rangeant au rayon des bisounours, la critique sociale se limitant à quelques piques comme la différence de traitement quant à la recherche des chiens. Un coup de vieux, quoi. Mais pas sur que nous ayons gagné au change. Les remakes avec Nick Nolte et Gérard Depardieu jouent clairement dans la division inférieure.