Pourquoi ne pas avoir gardé le titre original, Force majeure ? Pour éviter la confusion avec le film français de Pierre Jolivet (Force majeure, 1989) ? Parce que ça ne sonnait pas assez bien de nos jours ? Il est certes question d'une forme de thérapie familiale à la montagne, mais on peut quand même s'interroger... Passons. Snow Therapy, donc, est un film original, amusant et mordant, qui brode autour d'un fait unique mais lourd de conséquences : la lâcheté d'un père de famille dans une situation de péril collectif. Voilà qui permet au réalisateur suédois Ruben Östlund d'ébranler les conceptions classiques de la famille et du couple, via les notions de devoir et de liberté, mais surtout de dézinguer sociologiquement la figure du mâle moderne. Un mâle égoïste et lâche, menteur et tricheur, bien éloigné de l'archétype du héros protecteur que la "civilisation" a créé, en "dénaturant" peut-être une humanité primitive dotée d'un instinct de survie fondamentalement égoïste. Nature/culture, éternel débat. Quoi qu'il en soit, c'est l'expression de la virilité contemporaine qui est ici remise en cause, d'abord en considérant le personnage de Tomas, le père défaillant, qui se fissure avant de craquer à grand cri, puis en considérant le personnage de Mats, viking rouquin tendance ZZ Top hirsute (très drôle), dont la capacité à assumer son "rôle social" est questionnée par sa jeune compagne. Deux personnages en écho, qui témoignent d'une crise de confiance généralisée : manque de confiance en soi, défiance des autres (les femmes, les enfants). Deux personnages aux consciences troublées de culpabilité, vaguement solidaires dans l'affront que subit la gent et désireux de restaurer une forme d'autorité sécurisante. Le réalisateur met en scène cette déstabilisation masculine avec un humour à froid, souvent décalé, parfois absurde, qui donne à ce film une tonalité tragi-comique étonnante : mélange de malaise, de cruauté, de bouffonnerie et de sentiment pathétique, dans le cadre impersonnel et classe d'un hôtel de luxe, surveillé par un étrange homme d'entretien... Le récit ne cesse d'intriguer, mais peine malheureusement à finir, radotant dans le dernier quart d'heure avec la répétition de symboles de rédemption et de revirilisation, sur fond de dangers multiples. Dommage que le scénario n'ait pas trouvé une issue moins démonstrative, plus ouverte et mystérieuse, lors de la dernière descente de piste, en plein brouillard. C'eût été un moment parfait pour conclure dans la tonalité singulière et déroutante de l'histoire, à la mesure de l'inspiration générale. Achevé en demi-teinte, Snow Therapy ne tient donc pas toutes ses promesses narratives, mais demeure néanmoins, sur le fond, par sa satire sociologique, un film intéressant.