Réalisateur romain de 36 ans, Claudio Giovannesi se partage entre documentaires et fictions, des fictions qu'il alimente d'ailleurs d'éléments en provenance de ses documentaires. C'est ainsi que "Ali a les yeux bleus", son deuxième long métrage de fiction, est la suite fictionnelle de "Fratelli D’Italia" (frères d'Italie"), un documentaire sorti en 2009 : mêmes lieux, même thème, des personnages communs. "Ali a les yeux bleus" nous entraîne donc à Ostie, tout près de Rome, aux côtés de Nader et Stefano, deux petits voyous de 16 ans. D'origine égyptienne, Nader est partagé entre sa culture familiale et la culture italienne qu'il cherche à assimiler du mieux qu'il peut, au point de porter des lentilles transformant la couleur de ses yeux. Lors des discussions familiales, il utilise l'italien alors que sa mère lui parle en arabe; le ramadan, ce n'est pas vraiment sa tasse de thé; les rapports entre garçons et filles ? Très intéressant de noter que, le concernant, il est pour une liberté "à l'italienne", liberté dont il profite dans la mesure où sa relation avec Brigitte, une italienne pur jus, est beaucoup mieux acceptée par la famille de celle-ci que par la sienne, mais quand Stefano se permet de fricoter avec sa sœur cadette, il en revient à une conception beaucoup plus musulmane des choses ! Par ailleurs, les rapports des deux jeunes amis avec la communauté Rom sont plutôt tendus, d'où un certain nombre de problèmes. Pour partager l'univers de cet émigré de la deuxième génération et de son meilleur ami, le réalisateur nous plonge dans dans une mouvance esthétique à mi-chemin entre néo-réalisme et frères Dardenne. Il va même très loin en la matière, puisque tout ce que raconte le film vient de la vie réelle, puisque le film a été tourné dans l'ordre chronologique, puisque ce sont tous les personnages qui jouent leur propre rôle. Il y a par ailleurs un clin d'œil appuyé à Pasolini, assassiné sur la plage d'Ostie : son poème "Prophétie", dédié à Jean-Paul Sartre, paru dans le recueil "Alì dagli occhi azzurri" ("Ali aux yeux bleus") a été une source d'inspiration pour le film. "Ali a les yeux bleus" a des qualités évidentes mais il est toujours difficile d'apprécier totalement un film lorsque vous n'avez d'empathie pour aucun des personnages, ce qui est le cas ici.