J’ai vu le film « Grigris », la descente aux enfers d’un personnage que l’on aurait aimés mieux connaître, dans la nuit sombre de N’Djamena.
Grigris est le nom du jeune interprète masculin, qui malgré la malformation de sa jambe est un excellent danseur qui se produit dans les bars de N’Djamena. Il va faire la connaissance de Mimi, splendide créature qui s’espère mannequin, mais paye sa vie en se prostituant. Ensemble, ils sont les mal-lotis de cette ville tchadienne et sont broyés par une société urbaine en développement.
Peu de films sortent d’Afrique avec une volonté de faire découvrir ce continent, et peu de place lui est offerte. Ce film a eu les honneurs de Cannes et donc une visibilité certaine à sa cause, montrer les déboires de la société tchadienne et les fléaux qui la hantent.
Pour raconter son histoire, Mahamat Saleh Haroun a choisi un personnage tout à fait hors du commun, le jeune Souleymane Démé, une gueule, une démarche due à sa jambe atrophiée, une sensualité et une danse hypnotique. Quand Souleymane est sur la piste de danse, le public l’acclame et il s’enivre de sa popularité. Mais en dehors de la piste, l’acteur est beaucoup moins serein, son personnage est taiseux et indécis, mal à l’aise dans toutes les circonstances.
Ce contraste entre la force et pugnacité qu’il a fallu à Souleymane pour s’exhiber devant le public et ses hésitations dans les autres situations sont difficiles à appréhender. Malheureusement le film étant plus suggestif qu’explicatif, on ne se saura rien de qui est vraiment Souleymane Démé.
Pour nous montrer la fraude et les fléaux d’une capitale tchadienne, le réalisateur a plongé son personnage principal dans une sombre histoire de trafic d’essence et de règlement de compte brutal comme on les connaît dans les mafias du monde entier.
Un parti pris de scénario qui fait porter sur les épaules de ce jeune danseur ce polar sombre qui va précipiter les amants malheureux dans la fuite. Une surenchère d’histoires dont aucune n’est vraiment développée. En les multipliant ainsi le film ne développe ni les qualités du danseur et sa persévérance, ni les personnages parallèles, comme la jeune Mimi. On traverse les situations, caméra à l’épaule en suivant Souleymane dans cette jungle urbaine.
Alors il faut prendre le film comme il vient, brut de décoffrage, comme une promenade dans les bas fonds de N’Djamena. Et spectatrice, je me suis senti frustrée de ne pas mieux connaître ces personnages et de n’être qu’observatrice.
Heureusement que la lumière est splendide, et que la caméra a su capter cette énergie de l’espoir ou du désespoir quand Souleymane danse.
Une fin ambiguë, choc, qui elle aussi ne sera pas développé ; mais le contraste saisissant de la ville et de la communauté éloignée souligne toute la richesse des sujets ébauchés dans le film.
Allez, j’arrête mon cinéma, comme disait papa et je vous souhaite une Bonne séance !