Au départ, une idée plutôt bonne: un film choral dont le héros principal serait la Gare du Nord....
Je ne connais pas cette gare. Sans doute l'ais je fréquentée, quelque jour, pour aller à Bruges ou Amsterdam? (Oui, j'aime bien le train). Ca a l'air chaud. Evidemment, c'est pas la brave St Lazare, qui dessert des stations aussi ridicules que Pont Cardinet, La Garenne ou Bécon les Bruyères (où sont les lapins?), des destinations aussi exotiques que Trouville ou Grand Quevilly. Le Nord, pouah! Vive la gare de Lyon qui nous mène tout droit dans les montagnes ou à Aix en Provence...
Après ces digressions ferroviaires, revenons à nos moutons. Oui, l'idée était plutôt bonne; le résultat est plutôt bof. Je crois n'avoir jamais rien vu de Claire Simon. Je ne pense pas la suivre dans le futur.... Elle invente un personnage d'étudiant en sociologie, dont le sujet de thèse est justement..... la Gare du Nord, qui passe donc ses journées à y trainer ses basques pour interroger ceux qui y travaillent ou y zonent. C'est Ismaël, Reda Kateb, qui (même si on lui a collé des petites lunettes rectangulaires d'intello) a beaucoup de mal à faire oublier le voyou maghrébin qu'on lui a fait jouer dans moultes films. Le pauvre! Il n'est pas responsable de sa tête! Enfin, vu la platitude de ses enquêtes, on donne pas cher de l'avenir de sa thèse. Tous les lieux communs se donnent rendez vous. Les zonards black et machistes, la petite vendeuse terrorisée à l'idée de perdre sa place, la dame-pipi qu'on traire comme un chien.... Violence ordinaire, cinglés plus ou moins dangereux, légendes urbaines (et même un fantôme pour introduire un peu de fantastique dans cet univers lugubre et un chien perdu et affectueux), manifs sur les voies qui bloquent tout le trafic, tout cela est assez bien vu -mais ne nous apprend rien.
Parmi les personnages qui se croisent dans cette gare, il y a Joan (Monia Chokri), agent immobilier qui vit à Lille, va souvent à Londres (?), transporte de l'argent et dont les clients (douteux), apparemment, ne viennent jamais au rendez vous, Joan qui a de gros problèmes matrimoniaux. Il y a Sacha (François Damiens), rigolo de profession (il réalise des caméras cachées) mais là plus rigolo du tout parce qu'il recherche sa fille encore mineure qui a fugué (pourquoi la cherche t-il précisément dans cette gare?). Tout cela bien trop vague pour nous retenir. Et il y a -hélas! Mathilde. Mathilde (Nicole Garcia), prof de fac en arrêt de travail et qui va à Paris pour sa chimio (en général, les profs de fac cancéreux ne s'arrêtent jamais tant qu'ils tiennent sur leurs guibolles, parce que c'est cela qui les fait survivre... et en général, après une chimio, on est incapable de déambuler dans des galeries commerciales sur des hauts talons. Mathilde est improbable....). Elle rencontre Ismaël qui fait aussi, pour se financer, des mini-enquêtes pour le compte de la SNCF. Et se met en tête de l'aider pour ses recherches. Pourquoi Ismaël draguerait il une femme qui a l'âge de sa grand mère au point de l'emmener baiser dans un coin sombre (mais accessible aux caméras de surveillance....) du RER E, pourquoi cette femme dont la vie est en train de basculer tomberait elle follement amoureuse de ce grand dadais, au point de passer ses journées à le rechercher, le traquer dans tous les étages de cet énorme édifice... Comme cougar du Nord, on peut pas faire mieux! C'est d'un cucul....
Mettez le sujet -des personnages avec leurs problèmes qui s'entrecroisent dans une gare- dans les mains d'un Robert Altman ou d'un Paul Thomas Anderson, vous aurez peut être quelque chose de grandiose. Avec Claire Simon, on en restera au: pas mal..... Elle n'a pas les épaules.