Ce film est l'aboutissement d'une démarche ethnographique de la part de Claire Simon : 5 ans à observer la Gare du nord, ses codes, ses habitants, leur manière de s'approprier ou de traverser l'espace...
Et pour moi la sauce n'a pas pris. Elle a voulu, en parallèle à cette restitution de la Gare, lieu temporaire où les gens ne voient des autres que ce que ce hall leur permet d'apercevoir, nous faire suivre des bribes de vie de 4 personnages. Et c'est là où je trouve que son film perd toute sa profondeur : les liens entre les personnages sont trop artificiels, leurs rencontres manquent de crédibilité, il n'y a pas d'âme (si ce n'est celles qui se promènent dans la gare et troublent les passants fervents de spiritualité). On ne s'y attache pas. Le seul personnage qui, pour moi, sort du lot, c'est celui d'Ismael, le thésard en sociologie. Et justement, il me semble qu'Ismael est comme une sorte de mise en abyme de la démarche de la réalisatrice. La manière dont lui regarde la gare, c'est un peu la manière dont Claire Simon l'a regardée pendant 5 ans. Et je trouve qu'elle aurait dû s'en tenir à ça, essayer de creuser cet aspect, et en faire une ligne directrice, au lieu de s'éparpiller avec 4 personnages qui manquent de consistance. Elle dit qu'elle accorde de l'importance à chacun des rôles, à chaque petit commerçant de la Gare du Nord dans ce film. Je vois l'idée, j'apprécie cette idée d'ailleurs, mais je trouve que sur le rendu final ça ne ressort pas du tout comme ça. Bien sûr sa caméra est mobile, bien sûr il y a beaucoup d'entrevues entre les 4 personnages et les gens qui peuplent la gare, bien sûr on les entend parler, ces "petites têtes" qui grouillent partout. Mais l'importance qu'elle leur accorde me semble feinte, on les découvre souvent via les ballades de Nicole Garcia, qui, avec son grand sourire muet, m'a plus donné l'impression d'être une bourgeoise en visite de la jungle qu'une femme réellement curieuse de l'autre.
Voilà, j'appréciais beaucoup le projet de Nicole Garcia, mais je trouve qu'elle n'a pas su aller jusqu'au bout. Que ce soit l'aspect ethnographique comme l'aspect purement fictif (avec les 4 histoires des personnages), rien ne m'a vraiment convaincue ou touchée.