Nous venons en amis, documentaire franco autrichien de Huber Sauper, film fort, glaçant puissant mais parfois confus et qui laisse parfois le spectateur démuni, par manque de contextualisation". A la sortie le spectateur est poussé à s’informer et approfondir le sujet par lui-même en consultant toutes les sources possibles. Bien sûr, Sauper rappelle Fachoda, le partage de l’Afrique à grands traits bien droit qui se moquent des frontières traditionnelles, des royaumes et des ethnies, les instabilités qui en ont découlé, et notamment au Soudan, pays qui n’a cessé d'âtre dévasté par des guerres fratricides, qui ont fait des centaines de milliers de morts…Sauper se situe au Soudan du sud, et montre l’espoir né du référendum d'autodétermination organisé du 9 au 15 janvier 2011, par lequel le Soudan du Sud fait sécession de la République du Soudan le 9 juillet 2011. Un Soudan du sud chrétien face à un Soudan du nord musulman…le manque de repères vient aussi des médias qui, après avoir diabolisé le Soudan dirigé par le musulman Omar el-Béchir, évidemment "criminel contre l’humanité", et nous avoir apitoyés en faveur des Chrétiens du Sud persécutés, ont abandonné brutalement le sujet, une fois la partition acquise, en 2011. Dès 2013, le Soudan du Sud sombre dans une guerre civile particulièrement sanglante entre partisans du président Salva Kiir, l’homme au chapeau texan, catholique et ceux du vice-président Riek Machar presbytérien. Sauper évoque ce retour des conflits vers la fin du film et aujourd’hui la situation au Soudan du Sud, depuis l’éclatement de cette guerre civile demeure l’une des plus importantes crises humanitaires au monde. Le pays a été qualifié par l’ONU comme l’état le plus fragile du monde ces deux dernières années. Sauper survole le pays dans un drôle de petit avion biplace nommé Sputnik et Sauper explique qu’il l’a conçu exprès "pour avoir l’air inoffensif et ridicule", et pouvoir circuler sans susciter de méfiance dans un pays en guerre et interdit aux journalistes. Il lui permet de tourner des images fortes, sur les ravages de la pollution, les sacs en plastiques qui volent dans la campagne, les mares d’eau polluées, mais aussi en prenant de l’altitude de belles images de savanes et de forêts. Il dénonce les Chinois, très investis au Soudan depuis que, en 1993, les EU l’ont fermé aux Européens en le déclarant Etat-voyou : les travailleurs chinois semblent peu intéressés par les indigènes, certes : ils se contentent, pragmatiquement, d’extraire autant de pétrole qu’ils peuvent et vivent en vase clos, avec quand même un fusil à portée de la main pour le cas où !!….Du côté étasunien, par contre, le tableau devient caricatural. En attendant de mettre en place leurs infrastructures de développement, leurs représentants commencent par mettre au pas le cerveau des Soudanais, avec notamment l’arrivée des évangélistes. Une dame de charité, caricature de l’Américaine nous invite à partager son scandale : en dehors du poste EU, on trouve encore des enfants qui vont tout nus ! Et une scène hallucinante la montre enfilant de grosses chaussettes et des sandales en plastique à de jeunes enfants en pleurs, qui, ainsi équipés, ne peuvent plus marcher. Mais le comble de l’ignominie est atteint par le couple de colons texans qui raconte, tout sourire (le comportement des indigènes est si ridicule !) que lorsqu’ils ont enclos le terrain où ils ont construit leur maison, les Noirs se sont plaints, car leurs chèvres avaient l’habitude de brouter là ; mais depuis, "ils se sont fait une raison". On assiste donc au festin des prédateurs, aux terres confisquées aux paysans, et louées par les autorités aux groupes étrangers…pour un résultat évoqué ci-dessus…au discours creux de politiciens cupides…