Peut on faire un film sur des gens dépressifs sans plonger le spectateur dans un état quasiment catatonique, ou pire (des ronflements sonores émanaient d'un fauteuil proche)? Non, hélas, le démontre "Dans la cour". Pour obtenir un autre effet sur le spectateur, il faudrait de l'humour, qui n'est pas la qualité première de Pierre Salvadori, même s'il s'y essaye de ci de là; il faudrait de la couleur, de la vie complètement absentes de ce film mou du genou qui semble durer trois heures.
Antoine (Gustave Kervern) est un rocker dépressif. Il ne dort plus. Il se soigne avec une ligne de coke, de temps en temps, bien qu'ensuite il se sente encore plus triste et, de plus, ait mal au bide.... Et un jour, il plaque tout: son groupe, en plein concert; sa copine; et part s'enterrer dans un petit immeuble du côté des Buttes Chaumont, où il prend la place de gardien.
Consciencieux, Antoine. Il nettoie, balaie, arrose, soigne les plantes de la cour, trainant sa lourde carcasse et son air triste. Puis, il se fait une petite ligne, et doit le lendemain mettre un écriteau sur sa loge: le gardien est malade.... Et surtout, il est gentil, incroyablement gentil. Il ne peut se décider à chasser ce Sdf bosniaque, gardien à molosse la nuit, militant d'une secte d'illuminés le jour, et menaçant à l'occasion, de vider la réserve qu'il squatte (Oleg Kupchik). Puis, à refuser de garder la nuit le hideux clébard.... Il se lie d'amitié avec le zozo de l'immeuble, un ex footeux tombé dans la défonce totale qui tente de survivre en revendant des vélos (Pio Marmaï). Et puis, il y a Mathilde. Notre tsarine, qui porte le film, fait encore une composition renversante. On se demande toujours comment cette grande bourgeoise, élégante, cultivée, arrive à incarner si bien la woman next door, la mercière de Romorantin.... Ici, Catherine Deneuve est Mathilde, nouvelle retraitée. Tout de suite investie dans des activités associatives, où elle déploie une hyper activité furieuse, typique de ceux qui vont bientôt craquer. Et voilà, sur un mur de l'appartement, une fissure. Qui, elle s'en persuade, s'agrandit. Elle se relève la nuit pour la surveiller car, comme Antoine, elle est insomniaque. La visite d'un expert en bâtiment ni change rien.
Elle lance un affichage dans le voisinage, [spoiler]rencontre une autre dingue (Michèle Moretti, excellente). C'est sûr, le quartier est bâti sur des carrières, tout va s'effondrer[spoiler].[ Les deux dingues se ridiculisent en lançant une assemblée générale.... Le brave mari de Mathilde (Féodor Atkine), un ancien coco travaillant toujours pour un syndicat, regarde désolé son épouse s'effondrer, se demandant s'il ne va pas être amené à la faire interner. Alors, Antoine prend sous son aile celle qu'il pressent être encore plus grave que lui!
Le problème, c'est qu'il n'y a aucun rythme. Salvadori a été incapable de tirer profit du cadre idéal d'une petite cour d'immeuble, en l'animant avec ses habitants. En dehors des quatre protagoniste, on ne voit que Monsieur Maillart (Nicolas Bouchaud), le maniaque de service qui construit des plans d'architecture, ce qui va donner lieu au gag le plus téléphoné de l'histoire du cinéma.
Très très bof, donc. Dommage. Dommage, car les acteurs sont tous excellents!